Pour Jacques Derrida, Lévinas s'inscrit dans une tradition (le phonocentrisme) où la vive parole (la voix) porte la maîtrise, tandis que l'écriture est servante, subordonnée à cette parole. Dans cette tradition, les dieux antiques de l'écriture (Grèce, Egypte, Assyrie, Babylonie) ont le statut d'auxiliaires, secrétaires serviles du grand Dieu. Sous cet angle, le visage occupe la même position que la voix. Il est derrière le signe, présence, substance, chose en soi. Pourquoi derrière? Parce que c'est lui la personne invisible qui s'exprime, dont les oeuvres et les écrits ne sont que les signes. Il est comme une voix qui porte témoignage de la conscience qui se trouve "derrière" les mots et les garantit.

-------

L'argumentation contre Lévinas s'exerce au nom même de la métaphysique lévinassienne. S'il faut réhabiliter l'écriture, c'est parce qu'elle est plus métaphysique, ce mot étant pris dans le sens lévinassien plus que derridien. Jacques Derrida ne convoque son propre concept, celui de la différance, que pour justifier que l'écrivain, du fait de son absence, engage plus de respect de l'autre qu'on ne le fait par le simple visage.