Hegel avait déjà, en son temps, repéré la polarité entre la valeur d'exposition et la valeur cultuelle des oeuvres. Le bel art était, selon lui, né dans l'église même, mais il en était sorti.

Aujourd'hui, la valeur cultuelle d'une oeuvre semble exiger qu'elle soit tenue au secret; c'est le cas de certaines statues ou images de vierges, qui restent couvertes. A mesure que les pratiques artistiques s'émancipent du rituel, on expose de plus en plus les oeuvres. La valeur d'exposition prévaut sur la valeur cultuelle. (Benjamin donne l'exemple de la Vierge de saint Sixte, commandée selon Hermann Grimm pour la mise en bière solennelle du pape Sixte, vendue par la Curie et finalement exposée sur un maître-autel : on n'a pas pu renoncer à sa valeur d'exposition ni, selon Daniel Arasse, à son statut d'oeuvre d'art).

La fonction artistique pourrait devenir à son tour accessoire par rapport à la fonction d'exposition. La photographie et le cinéma en offrent les exemples les plus probants, même si la valeur cultuelle de l'image trouve son dernier refuge dans le portrait des disparus. Avec la beauté mélancolique de ces souvenirs, l'aura nous fait signe une dernière fois. Mais avec les clichés d'Atget, qui a fixé les rues vides de Paris vers 1900, la photographie devient une pièce à conviction pour le procès de l'histoire. Comme dans les magazines illustrés, la légende est indispensable et n'a pas du tout la même fonction que le titre d'un tableau : c'est une directive, l'indice de la détermination du regard.

Rue des Ursins à Paris (Eugène Atget, 1900).