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Toute communauté est vocale                     Toute communauté est vocale
Sources (*) :              
Elias Oester - "A l'écart des appartenances", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 27 mai 2000

 

Le micro -

A l'époque de l'amplification, les voix collectives sont dangereuses

   
   
   
                 
                       

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Une communauté “démocratique” est une communauté dans laquelle chaque voix est entendue séparément des autres. Pour que les voix soient égales, il faut qu’elles puissent être clairement distinguées.

Pourtant, de par sa nature (constituée de fréquences), la voix est propice aux rapprochements. On s’en sert pour chanter ensemble, c’est-à-dire pour célébrer la communauté. La société tente périodiquement de procéder à des fusions de voix. On peut le faire dans des “choeurs” et dispositifs musicaux ou théatraux qui nécessitent une longue préparation et interdisent toute spontanéité. Mais on peut le faire aussi spontanément à certaines occasions, comme les fêtes ou les victoires sportives. Ou encore on peut le faire de façon limitée en chantant un air commun, ce qui est une façon de faire entendre la vibration.

Certaines cultures ont voulu et veulent encore maintenir vivants des choeurs de voix communautaires, à l’exemple du théatre grec. Exemple : le negro spiritual ou le choeur d’église en général. On constate actuellement un retour des chorales.

Il reste qu’à notre époque, il ne peut pas y avoir “notre voix”, il n’y a pas de communauté de la voix. Les fusions sont circonstancielles. Elles ne sont pas destinées à durer ni à avoir un effet social en profondeur.

L’expérience du vingtième siècle montre par la tragédie que toute volonté de communautariser la voix est dangereuse. Les voix collectives qui ont réussi à se maintenir en place sur une certaine durée ont été les pires : terriblement destructrices. Du léninisme au nazisme, des sectes souterraines aux orthodoxies brutales, ce genre de voix jamais éradiquée est une plaie suppurante de ce siècle.

Ce phénomène a été mieux perçu comme danger dans les années 20, à l’époque des débuts de la radio, qu’il ne l’est aujourd’hui. En témoigne le tableau de George Grosz de 1920, Automates Républicains.

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la voix collective n’est pas commune. C’est une autre voix, plus impérative encore que celle de l’intérêt général. Elle se caractérise par le fait qu’il est impossible de la soumettre à une loi, quelle qu’elle soit, y compris la sienne propre.

Elle est complètement étrangère aux sociétés régies par un état de droit.

En général, les sociétés dans lesquelles existe une “voix unificatrice” sont totalitaires.

Si la voix pouvait être collective, nous participerions tous d’un seul et unique organe, l’organe de la voix. Il n’y aurait plus transmission, mais propagation. On serait forcé de tout entendre, sans exception. C’est ce qu’avait tenté Hitler en utilisant le haut-parleur comme arme de guerre. Il y avait momentanément réussi. Que sa tentative se soit épuisée dans l’horreur ne prouve pas que le danger soit écarté. Le collectivisme de la voix n’est pas nécessairement nazi. Il peut n’être que médiatique, par exemple, ce qui le rend plus sympathique mais pas moins efficace. Des voix collectives envahissent les ondes et pourraient bien donner corps à cet organe unique. De telles voix ne sont plus charnelles; elles n’ont conservé de la chair que la matérialité, et de la Chose que la causalité.

Dès que la voix se communautarise, nous tentons de nous en isoler par une pente naturelle.

 

 

La voix est un organe qui pénètre au même instant dans l’organe auditif d’un certaine nombre de personnes. Ces personnes ne l’entendent pas toutes exactement de la même façon. Elles sont plus ou moins proches, elles peuvent être plus ou moins génées par tel ou tel bruit parasite, elles peuvent être affectées d’abord par l’oreille droite ou bien d’abord par l’oreille gauche en fonction de l’endroit où elles se trouvent, etc.... Mais malgré ces différences(qui constituent des perspectives ou des embryons de perspectives vocales), je crois que, par l’écoute, la voix est partageable. La voix est même le seul organe naturellement partageable. Tous les autres ne sont partagés que par des artifices ou des prothèses.

L’exemple du regard. Il y a partage de l’espace vocal, mais séparation des espaces visuels (en tous cas pour notre civilisation). La vision n’est pas partageable, elle se fait nécessairement d’un certain point. Même quand l’espace est organisé pour le partage de la vision, comme au théatre ou au cinéma, chacun “voit” différemment la scène ou l’écran, et cette différence n’est pas due qu’à sa position spatiale.

La vie sociale est fondée sur le partage de la voix. Mais celui-ci ne tombe pas du ciel, il est soumis à des procédures de régulation bien précises.

Les progrès techniques sont ce qu’ils sont, mais ils ne nous ont pas permis de nous extraire de la communauté vocale, bien au contraire.

Le partage de la voix est resté longtemps essentiellement vocal. Il s’est maintenant tellement étendu qu’il a investi l’espace. D’où la possibilité d’un nouvel holisme auquel on n’avait jamais pensé auparavant (sauf peut-être les communautés juives), un nouvel holisme qui fait circuler les pensées dans un espace vocal où elles se partagent. C’est la fonction des media : faire circuler les pensées par la voix.

S’il fallait définir notre civilisation, ce serait d’abord ainsi : le partage des plaisirs. Que le plaisir soit vertueux, soit. Qu’il soit la base du ciment social, d’accord. Mais qu’en plus il puisse se partager, voilà qui est plus insolite. Et je soutiens ceci : cela n’est possible que grâce à l’espace vocal. Une des preuves que j’avance est celle-ci : le partage des plaisirs se fait par l’esthétique (pas seulement du corps).

Plus que jamais, le langage prévaut. Il ne sert plus seulement à désigner ou classer la nature, il sert à la modifier à l’image de l’homme, c’est-à-dire du langage. Donc le rapport de l’homme à cette nature artificialisée prend la forme de la chair du langage, cad de la voix.

La communauté vocale contemporaine produit les figures qui lui sont propres.

Le metteur en scène de cinéma incarne de la façon la plus éloquente ce qu’est aujourd’hui un leader. Pour le désigner, il suffit de mettre un homme sur une scène et de l’armer d’un porte-voix. Personne ne s’y trompe : il s’agit du réalisateur en train de hurler ses consignes aux acteurs et techniciens présents dans son aire vocale. C’est lui qui prend la place de l’orateur platonicien. Sa légitimité provient de son futur succès. S’il réussit à créer un monde qu’un large public vient voir, il sera reconnu comme celui qui a le droit de brandir le porte-voix. Des personnalités comme Fellini ou Orson Welles possédaient ce droit plus que tout autre. On peut imaginer aujourd’hui qu’ils passaient toute leur vie munis d’un porte-voix, même quand ils dormaient ou quand ils faisaient l’amour.

Le vocabulaire électoral témoigne de cette évolution. Chaque électeur a une voix, et ceci est le fondement même de la démocratie.

 

 


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