Le pur pardon engage deux singularités dans un face-à-face personnel. Aucune médiation ne peut se substituer à ce face-à-face. Dès qu'un tiers intervient, il s'agit de réconciliation, de réparation, de repentance ou d'une autre forme d'échange ou de négociation. Il suffit que la victime et le coupable se parlent, se comprennent, qu'ils aient un langage commun, et l'on rentre dans la logique du repentir. Pour qu'il y ait pardon, il faut paradoxalement un impardonnable absolu, non négociable. Ce pardon n'est pas thérapeutique : il est privé de sens, irréductiblement fou.

Il y a deux logiques distinctes et irréductibles : celle du pardon et celle du droit (ou de la justice). Les cours de justice ne pardonnent jamais, mais jugent.

Le corps anonyme de l'Etat ou d'une institution ne peut pas pardonner. Légitimement, seule la victime, même morte, a ce droit. Si elle n'est pas en mesure de le faire, personne ne peut le faire à sa place.