Concevoir le langage comme un acte, comme un geste de comportement, c'est oublier l'essentiel : les gestes et les mots peuvent devenir révélation. Quand nous analysons ses oeuvres ou son comportement, un personnage est le produit de notre science. Mais quand il parle, il se situe en hauteur par rapport à nous. Il ne se dévoile pas, il nous enseigne comme être autonome. Il a sa manière. A partir de soi, en se présentant à moi, il est étranger, c'est sa consistance.

La relation avec autrui, irréductible à la connaissance objective, n'est pas une relation avec l'être en général. Je me tourne vers l'autre sur son appel. Je l'invoque. Il est celui à qui je parle et non pas celui ou "ce" que je comprends. Il se maintient dans son hétérogénéité. Sa parole consiste à être présent, à répondre, à porter secours à cette parole. Ce qu'il enseigne n'est pas une chose ou une idée, c'est cet enseignement même. Le langage n'a pas d'objectivité, il n'est pas une oeuvre. Il est relation avec autrui, instauration d'un monde : la transcendance. Il suppose une pluralité dans un rapport éthique.

Un véritable discours, non rhétorique, aborde autrui de face. Autrui n'est objet à aucun degré, il est hors de toute emprise. Quand il se présente dans le langage, le discours le laisse être. Il luit de sa propre lumière, ce qui ne se produit que dans la justice.