Si Jacques Derrida s'est attaché à ce mot, marrane, ce n'est pas seulement en raison de ses origines [dont il ne sait presque rien]. C'est parce que, selon lui, la culture du marrane est celle du secret. Qu'est-ce que le secret? C'est ce qui résiste à la transparence, et aussi à la politique, à la citoyenneté, à la phénoménalité, et aussi ce qui est en rapport avec l'inconscient. Il faut, dit-il, garder le secret, le respecter, le protéger contre l'aveu, la confession. La mission du marrane (et la sienne car, ayant oublié ses origines judéo-espagnoles et s'étant sécularisé, il se considère comme doublement marrane), c'est d'enseigner le secret. [Mais comment enseigner ce qui, justement, doit rester secret? S'opposer à la destruction du secret (cette tentation totalitaire), persister dans un certain mutisme et même un mutisme têtu, se tenir à l'écart de la communauté, garder en soi une mémoire où l'autre laisse une trace].