Derrida
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Le retour de Danel Qilen                     Le retour de Danel Qilen
Sources (*) : Au - delà de l'être : l'œuvrance               Au - delà de l'être : l'œuvrance
Ouzza Kelin - "Les récits idviens", Ed : Guilgal, 1988-2018, Page créée le 21 décembre 2004 Une hantise qui vient

[Le Retour de Danel Qilen]

Une hantise qui vient Autres renvois :
   

L'Orloeuvre, dont nul ne répond

   
   
Les récits danéliens (recueils et recueillements) Les récits danéliens (recueils et recueillements)
                 
                       

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Voici Danel Qilen de retour à Paris. Quand était-il parti? Il a un souvenir assez clair des circonstances de son départ, mais pour ce qui concerne la date, c'est beaucoup moins clair. C'était il y a plus ou moins longtemps, il faudra peut-être qu'il se le remémore un jour. En tous cas il se rappelle avoir été heureux dans cette ville, et il suppose que c'est cette raison-là qui l'a poussé au retour, sans aucun projet précis, sans savoir s'il allait s'y installer ou non, ni comment il pourrait s'y prendre pour y vivre (s'il le décidait). Il n'avait même pas prévu de revenir voir la façade de son ancien logis. Ce sont ses pas, ses pieds, qui l'y ont conduit en vertu d'un automatisme dont il serait bien en peine de définir les règles.

Après avoir marché sans but, à l'aveugle, dans des rues qu'il ne reconnait pas, incapable d'établir une connexion avec ses rares souvenirs, il hésite. Et si c'était une mauvaise idée? Et si, en se faisant le fantôme où le spectre de lui-même en ces lieux apparemment débarrassés de toute trace de lui, il déclenchait un processus incontrôlable, une catastrophe pire encore que la précédente? Mais les lieux insistent. Voici l'immeuble, toujours debout, et l'ouverture béante de cette petite porte au milieu du grand portail. Qu'y a-t-il au-delà? C'est sombre, il ne voit personne, et la tentation est trop forte, il entre. Le récit qui va suivre est l'histoire de cette entrée avec ses conséquences les plus inimaginables.

S'il avait des souvenirs de son ancien atelier, il ne le reconnaîtrait pas. Il sait qu'il était là, il en est certain, mais ce qu'il voit est beaucoup plus vaste. Un entrepôt? Une usine? Un espace d'exposition? Et puis, tous ces gens, cette foule discutant à voix basse, certains debout, d'autres assis autour de cartons, de caisses ou de tables basses, d'autres encore serrés les uns contre les autres sur des lits de camp. Voici un homme âgé, tous sourires, qui lui souhaite la bienvenue mais ne reste pas avec lui, l'abandonne sans lui donner d'autre explication. Les autres ne s'occupent pas de lui. C'est un agglutinement de petits groupes disparates, qui ne semblent pas s'occuper les uns des autres. Il marche, s'approche timidement sans pouvoir s'asseoir, écoute quelques mots, passe d'une pièce à l'autre, monte un étage, cherche dans les recoins et sur les bords, sur les escaliers et près des portes, quelques traces de son passé. Mais les fenêtres ont toutes été changées, les murs recouverts de cloisons d'aujourd'hui, tout a été réorganisé. Et pourtant, il a l'impression d'un chez soi. Eh oui, le voici rentré chez lui.

Dans ce qui se trouve à l'emplacement de la maison qu'il avait habitée, des dizaines ou peut-être des centaines de personnes peuvent trouver place. Il semble que toutes, sans exception, discutent. Mais de quoi? Qu'est-ce que ça veut dire? Il n'arrive pas à fixer son attention sur l'un ou l'autre groupe et n'ose pas parler. Son français, qui fut autrefois presque natif, ne lui revient que lentement. Même quand il croit saisir le sens de tous les mots, même quand le vocabulaire lui paraît familier, il n'arrive pas à suivre jusqu'au point d'aboutissement des phrases. Il pourrait essayer de traduire (traducteur, ce fut l'un de ses métiers préférés), mais en quelle langue? Il n'a plus rien à lui, pas même un idiome où se retrouver.

Soudain, dans un couloir, un lit se libère, tout un lit. Il ne s'y assied pas, il s'y couche. Tant pis s'il dérange les autres. Combien de temps reste-t-il étendu sur cette couche? Impossible de le savoir. Il n'a pas de montre et sans lumière naturelle, en ce lieu sans repère, ni spatial, ni temporel, ni sémantique, l'espace commun ne se différencie pas de l'espace privé. Peut-être n'a-t-il dormi qu'une minute, ou une nuit entière. Il n'est sûr que d'une chose : il a faim. Plus loin, un groupe discute. Il trouve sur la table quelques restes. Personne ne s'occcupe de lui. Il faut maintenant qu'il sorte, il étouffe, l'air lui manque. Et s'il allait repérer les lieux, faire le tour du pâté de maison? Cherchant quelques détails qui pourraient se remémorer à lui, il tourne une fois, deux fois, trois fois. Ce qui était autrefois sa maison est pris dans un ensemble plus vaste. Elle a été agrandie, transformée, surélevée, entièrement réorganisée sauf sur un point : la porte d'entrée, toujours aussi petite. Là où il y avait une cour ouverte sur le ciel, c'est là que les murs sont les plus hauts. Il n'y a plus ni écuries, ni caves, ni entrepôt, c'est comme si un constructeur fou était passé par là. L'architecture est étrange, à la Escher, avec des escaliers angulaires et des mezzanines séparées les unes des autres. C'est ce qu'ils appellent le loft, un endroit qui semble partout simultanément ouvert et fermé. On peut supposer qu'à toute heure du jour ou de la nuit, des gens restent et partent. Mais Danel a déjà compris : il n'a pas eu le choix. Il est devenu, lui aussi, un habitant du loft.

Personne ne lui a adressé la parole, personne ne lui a demandé qui il était. Sa haute silhouette et sa tignasse blonde n'ont pas attiré l'attention. Peut-on, en un lieu où tant de gens se croisent et se parlent, rester absolument seul? Ce n'est pas un problème pour lui. La solitude est sa seconde demeure, et le moindre échange le perturbe. Il reste donc immobile, entendant vaguement une conversation, quand Garance s'assied à côté de lui, entre sa jambe et l'accoudoir. Elle le pousse un peu, le touche, il sent sa peau. Cette présence commence par le gêner, puis lui fait plaisir. Il y a si longtemps qu'il n'avait pas senti ce genre de chaleur. Elle ne dit rien, mais sa façon de libérer son genou, de creuser une place dans le coussin du fauteuil, n'est-elle pas un appel? - Je suis nouveau ici, dit-il. - Ah!. - Est-ce que vous connaissez le sujet de la discussion? - Ça dépend. Elle ne prononce que ces deux mots, et il se contente de cette réponse, heureux qu'elle reste à côté de lui sans qu'il ait à décliner son identité. Comment aurait-il pu avouer qu'il avait déjà vécu là, dans une autre époque? Quelqu'un pourrait-il croire une fable pareille? Et pourquoi l'aurait-il crue? Et pourquoi leur livrerait-il cette précieuse information?

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Propositions

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L'Idve est le canal de l'absence

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Les ruminations de Danel Qilen, extrait n°1

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Les ruminations de Danel Qilen, extrait n°2

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Là où "il faut" que les controverses s'inscrivent

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La réception de Bendito Sapintza

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Le Cercle du Quai

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[Le récit de l'Orloeuvre, dont nul ne répond]

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Controverses et postulations (Ouzza Kelin) [CercleLune]

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La redécouverte du loft

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Un visage connu

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Le sac de Garance

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L'ourlet indéfini de l'œuvre

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Bienvenue dans l'Orloeuvre!

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[La psychologie amoureuse de Danel Qilen]

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[Les inaveux de Garance]

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Danel Qilen trompe la solitude de la nuit

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Garance et Danel enlacés

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[La photo de Bertille]

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On sait que le loft est hanté, bien que les spectres n'aient laissé aucune trace visible

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Récit de la disparition de Laaqib

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[Une hantise qui vient]

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[Le cinéloft du Quai]

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Prémonition

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J'ai porté le fardeau d'une voix incorruptible

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La personnalité de Gert

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L'Agence MultiLingues

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Un espace inconnu nous lie

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Le fou rire de Garance

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[(CinéAnalyse) : En accueillant l'errant de l'espace, l'égaré du temps]

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Tous ceux à côté desquels tu es passé, tu t'efforceras de les rencontrer

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Le repas de Matricia Dentyar

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Dans le loft orlovien, le mouvement de l'archive ne cesse jamais

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[(CinéAnalyse) : En préservant un lieu pour l'étude (Idvi)]

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Danel trouve dans son désoeuvrement une raison d'espérer

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Par le récit, la remémoration, le commentaire, l'interprétation, l'écriture, tu outrepasseras la vie

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Et il aura fallu qu'en me retirant, en secret, je me donne la mort, pour qu'Amaleq n'ait pas le dernier mot

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Retrouvailles

- Mariette : L'univers idvien existait déjà, il aurait pu continuer à vivre sans Danel, et pourtant son arrivée fut un événement, peut-être l'événement par excellence de ce petit monde. C'est à ce paradoxe qu'il nous revient de répondre.

- Laaqib : Je crois que ce n'est pas l'histoire elle-même qui y répond, c'est toi, en la racontant.

- Mariette : J'aurais aimé analyser, expliquer quelque chose, mais je n'y arrive pas. Ce sont toujours d'autres détails qui me viennent à l'esprit, jamais une idée, pas la moindre interprétation. Tout se passe comme si l'histoire se dérobait au commentaire.

- Madjiguène : La vie de Danel aurait pu continuer sans repasser par ici, sans que rien, jamais, ne vienne en plus de la vie. Mais voilà, il est arrivé quelque chose d'unique. Quel mot choisir pour cela? Une conversion? Un acquiescement? Pour le dire, nous manquons de mots, nous avons tendance à aller chercher des vocables ailleurs, par exemple dans la religion (alliance?) ou les rapports de couple (mariage? hymen?). Il faut continuer l'expérience, je suppose que les mots viendront.

- Jacaline : Les mots sont faits pour cacher ce qu'ils nomment.

- Laaqib : Alors cachons!

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