- bibliographie de Clement Greenberg.
Peut-être Greenberg était-il marxiste. Il croyait en tous cas en un certain type de déterminisme selon lequel chaque artiste est confronté à un choix binaire : être adéquat à son époque ou ne pas l'être. Le bon artiste, nécessairement, est adéquat. Il ne peut qu'être abstrait, puisque l'abstraction est le seul art qui ait survécu aux années 1910.
Il en est des idées de Greenberg comme de l'alexandrin dans la poésie française : même si on les croit dépassées, même si on les combat, même si l'on rejette leurs présupposés, on ne peut pas les éviter, elles sont là, obsédantes, aussi insistantes que les avant-gardes dont on croyait que, elles aussi, elles étaient épuisées. Greenberg est encore avec nous, comme un passager clandestin. Alors embarquons! Suivons ses postulats et les opinions tranchées qu'il avait sur quelques artistes.
Notre époque, donc, a foi en l'immédiat. Elle entérine, en peinture, une évolution vers un espace plat, continu, pur et ouvert qui, par l'intermédiaire du cubisme, privilégie la visualité et élimine la représentation : tout le contraire du pittoresque, sans la moindre concession au pathos. Chaque avant-garde ne reconnaît qu'un petit nombre de conventions, rejette les autres (par exemple le cadre pour l'expressionnisme abstrait) et applique jusqu'à épuisement ou crise ultime certaines règles techniques. Exemples : les impressionnistes modulent les couleurs et les valeurs pour conserver l'unité du tableau; Cézanne multiple les plans frontaux et restaure un certain type de profondeur; Monet privilégie les premiers plans; la peinture moderniste, identifiée à une tension entre le contenu du tableau et sa surface plane, est hantée par la décoration; les cubistes désincarnent l'illusion de profondeur; le collage sauve la perspective; la peinture "all-over" rend toutes les zones du tableau équivalentes, etc... Ceux qui n'entrent pas dans ces catégories, comme Kandinsky, Soutine ou Lipchitz, - ou même le Picasso de certaines périodes - sont impitoyablement rejetés.
Tout ce petit monde est menacé par le kitsch.
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