Heidegger lui-même s'est engagé dans le parti nazi à la suite d'un appel téléphonique.

Les ordres d'exécution transitaient par le téléphone. Elles échappaient à toute archive, mais laissaient des traces orales dont la rumeur est elle-même une sorte d'effet historique. Les lignes téléphoniques ne sont jamais tout à fait débranchées des barbelés : l'appel comme décisif, comme verdict ou sentence de mort, cité aussi par Kafka.

C'est le versant ténébreux de la structure téléphonique (laquelle structure qui peut aussi avoir un versant de sauvetage).

La technologie et le national-socialisme ont signé un contrat : l'un a cru à l'autre, et réciproquement. La où les relations étaient inexistantes, le téléphone établit des connexions, globalise, unifie, suturant un pays comme une plaie. Il participe des mythes de l'unité organique, jette autour de l'Etat un filet de connexions, une surveillance sans répit. Le téléphone n'explique pas à lui seul le national-socialisme, mais offre un certain code d'accès : celui de la jouissance de l'oreille.