Avec Van Gogh, toutes les choses de la nature, tous les objets sont frappés d'un coup de massue. Il les éventre, il les carde de son clou (ce clou est le clou du Christ : un coup d'arrêt pour clouer l'homme et l'empêcher d'avancer). C'est ce clou qui tétanisait le docteur Gachet, ce clou qui était la trace de la rébellion revendicatrice, de la terrible sensibilité et du génie pantelant qui ouvrait une route que la médecine était incapable d'indiquer. Si Van Gogh s'est suicidé (ou a été suicidé) chez lui, c'est parce qu'avec sa lucidité supérieure, il se livrait à l'alchimie sombre qui ENTASSE et ramasse les corps. Devant les décharges envahissantes, sa pensée refluait en désordre. C'est ainsi que la création directe reprenait sa conscience et son cerveau. Un corps sans cerveau n'est pas fatigué par les trumeaux de l'inerte, par les tournesols, par les récoltes d'olives et les fenaisons. Il faut des ébullitions internes, des forces de forcené.

[Le cou "séparatif" se rapporte à une lettre de Van Gogh à son frère Théo du 8/9/1888, où il explique que dessiner, c'est "l'action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible qui semble se trouver entre ce que l'on sent et ce que l'on peut"].

[Le scripteur reconnaît honteusement qu'il paraphrase abusivement Artaud. Il incite le lecteur à se reporter directement au génial envoûteur, magicien et jeteur de sorts].

Cette femme ne chemine pas dans un champ, elle marche sur l'abîme.