Les deux morales sont distinctes et diffèrent par leurs priorités. La conception féminine se caractérise par une préoccupation du bien-être d'autrui. Elle n'est pas conçue comme une justice attachée à des droits ou des règles, mais comme une connexion entre personnes. Son mode d'action est contextuel et narratif. Alors que la conception dominante de la morale, celle qui est supposée la plus élevée (celle de l'homme) implique la définition de droits humains universels fondés sur des principes formels et abstraits, ce qui prédomine chez les femmes est l'obligation envers soi-même, sa famille et le monde en général. D'un côté, il s'agit de respecter les droits de chacun; d'un autre côté, il s'agit d'aider les autres, de les entendre en tenant compte de facteurs juqu'alors dévalorisés et invisibles. Par cette voix différente, ce qui s'exprime n'est pas seulement la complexité des situations, c'est la vulnérabilité des personnes, dans ses aspects les plus concrets.
On peut associer les premiers à une image de hiérarchie, et les secondes à une image de trame. D'un point de vue masculin, la morale "féminine" est criticable car trop diffuse et relativiste; tandis que d'un point de vue féminin, la morale "masculine" peut être accusée d'indifférence à l'égard d'autrui.
L'évolution du "care" après la publication du premier livre de Carol Gilligan conduit à renoncer à une association trop étroite entre le genre féminin et l'autre éthique. Par rapport à la morale dominante de la justice et des droits, l'éthique du "care" vient en plus. Sa "voix différente" ne la met pas en rivalité avec la justice, mais contribue à mettre en question la dichotomie entre universalisme et morales spécifiques, en redéfinissant en profondeur ce qui est juste, pour les hommes comme pour les femmes, et en ouvrant de nouvelles problématiques politiques.
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