Ce qu'on appelle théologie négative est une passion pour se rendre dans un lieu où il est impossible d'aller. Il y a un nom pour ce lieu (le nom de Dieu), qui invite à venir, dans ce nom, au-delà de ce nom. Telle est la passion : une folie, une colère qui s'exerce à l'encontre du nom (inadéquat, imprononçable) et aussi, corrélativement, à l'encontre du langage lui-même (qui n'offre aucun fondement, aucun constat crédible). Elle dénonce la tension entre l'impératif : Il faut y aller!, et l'absence de contenu définissable de cet ordre, entre l'injonction et son indécidabilité. La passion est improgrammable. Elle assume ses contradictions, elle revendique ses paradoxes et se précipite toujours au-delà de ce qu'elle dit. Là où l'impossible à lieu, elle laisse une blessure, une cicatrice.

Il y a toujours dans la passion une certaine dimension de marginalité ou d'hérésie. Même la Passion du Christ est un temps de suspension du dogme, de la croyance, et même de la foi.

Les penseurs de la théologie négative ont été persécutés, accusés d'hérésie, pour avoir désiré ouvrir le jeu, avoir donné libre cours à cette passion qui les emportait au-delà d'eux-mêmes.