Jacques Derrida introduit la problématique du don à partir de la théologie négative. Le secret de ce courant de pensée, c'est la Gelassenheit, l'abandon, le retrait. En donnant un nom à Dieu, elle l'abandonne, elle le vide. Elle ne lui donne rien, et d'ailleurs comment pourrait-elle lui donner quelque chose?

En général, quand on donne un nom, on enchaîne l'autre, on le lie, on l'asservit, on l'engage. On lui prescrit une alliance qu'il ne peut pas refuser. Avant toute liberté ou toute décision, il est appelé à répondre de ce nom, de ce que promet ce nom qui ne lui appartient pas. Il y aurait avec la théologie négative une exception à cette loi : ce qui arrive avec le nom de Dieu (un Dieu qui n'a aucune qualité, aucune détermination, qui n'est rien) : c'est qu'il n'appartient à personne. En nommant Dieu, que fait la théologie négative? Rien - l'essence du don (ou son inessence).

Lacan disait que l'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas. Sans le dire, il héritait cette formule d'une longue tradition : Plotin, Heidegger.