Que veut dire "ma mort"? Il m'est impossible de le savoir. Aucun exemple, aucune mort d'un autre, aucun témoignage, ne peut m'en donner l'expérience. Jacques Derrida compare le nom "mort" à un autre nom, "Dieu". Selon la tradition qu'on nomme théologie négative (à laquelle il renvoie dans le même texte, p42), tout prédicat est inadéquat à l'essence de Dieu. On ne peut rien en dire. Il en est de même pour la mort (sa chose, et aussi son concept). Etant donné qu'un vivant ne franchit jamais le terme de la vie, on ne peut rien dire de ce qui arrive au-delà de ce passage impossible.

Cette indétermination n'empêche pas le discours de présupposer un sens à ce mot (pages 54, 57). Pour parler de la mort, pour l'analyser, pour développer autour d'elle des savoirs (historique, démographique, biologique, culturel, anthropologique, etc.), il aura fallu qu'une pré-compréhension de ce mot ait été instituée. Ce que nomme la mort semble aller de soi. Le geste d'Heidegger (son analytique existentiale), c'est qu'il a commencé à s'interroger sur les conditions d'émergence de ce sens inquestionné, accepté tel quel par les grands auteurs.