D'une part l'essence de l'Europe est téléologique, elle se pense comme pointe avancée de la civilisation mondiale et de la culture humaine; d'autre part elle n'est qu'un petit cap du continent asiatique. Pour se donner la représentation d'un cap spirituel qui s'accumule, se capitalise, il faut le phalliciser - d'où la figure du mâle blanc européen, l'image de ces gardiens tenus pour responsables de la mémoire, ces hommes chargés d'une mission, généralement en anglais, "la seconde langue universelle qui double tous les idiomes du monde" (p27). Il faut que son idée exemplaire (eidos) par laquelle elle commence et commande (arkhè), il faut qu'elle soit archivée par un capitaine, un sujet capable de volonté et de décision, un dirigeant qui vise une fin (telos), un aboutissement, un accomplissement. Il faut que toutes les forces se joignent et se rassemblent dans cette pointe, à l'avant-garde d'un combat. Seulement ainsi l'Europe peut affirmer son identité, sa culture, son être-pour-soi, s'identifier à elle-même, apaiser sa différence d'avec soi.