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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
Sources (*) : | ||||||||||||||||||
Jacques Derrida - "Résistances, de la psychanalyse", Ed : Galilée, 1996, pp15s | L'ombilic du rêve selon Freud, c'est le point qui excède l'analyse, là où le déchiffrement ne peut pas aller plus loin |
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Freud utilise l'expression Ombilic du rêve deux fois dans la Traumdeutung, et plus jamais ensuite. Dans le chapitre II, à propos du Rêve de l'injection faite à Irma, il fait un aveu : « J’ai l’impression que l’analyse de ce fragment n’est pas poussée assez loin pour qu’on en comprenne toute la signification secrète. Si je poursuivais la comparaison (Vergleichung) des trois femmes, je risquerais de m’égarer. Chaque rêve a au moins un endroit (eine Stelle) où il est insondable, pareil à l’ombilic (unergründlich, gleichsam einen Nabel), par lequel il est rattaché (zusammenhängt) à l’inconnu (Unerkannt) ». Puis dans le chapitre VII, de façon plus directe : « Dans les rêves les mieux interprétés, on doit souvent laisser un endroit dans l’obscurité parce qu’on remarque en interprétant que commence là une pelote de pensées du rêve qui ne se laisse pas démêler, mais aussi qui n’a fourni aucun apport complémentaire au contenu du rêve. C’est alors là l’ombilic du rêve, le lieu où il est assis (aufsitz = posé sur) l'inconnu (Unerkannt). Les pensées du rêve sur lesquelles on arrive par l’interprétation doivent tout à fait généralement rester sans conclusion et partent de tous les côtés dans l’enchevêtrement réticulé de nos pensées. Alors le désir du rêve (Wunsch) s’élève d’un endroit plus dense de cet entrelacs comme un champignon de son mycélium. » Quelque chose dans son auto-analyse n'est pas allé assez loin. Un sens caché persiste, au-delà du déchiffrement. Ce n'est pas (ou pas seulement) une résistance à l'analyse, comme il le dit dans d'autres contextes, c'est un véritable excès : un inanalysable, un inconnaissable, un insoluble (p24). En ce lieu à même le corps, qui ne peut pas être tranché, l'analyse ne peut rien. Une cicatrice ou marque de naissance est gardée. Quelque chose reste noué, lié, et ce quelque chose reste impénétrable, insondable, inexplorable. Une suture reste avec quelque chose qui n'est pas connaissable, qui reste, quelles que soient les déclarations, le lieu de l'inconnu. |
Analysant le texte de Freud, qui lui-même analyse la résistance à l'analyse, Jacques Derrida revient à ce texte, là où se situe l'appel de note renvoyant à l'ombilic. Voici le passage : "J'ai donc comparé ma patiente Irma avec deux autres personnes qui pareillement résistaient au traitement. Quelle espèce de sens cela peut-il avoir que je les ai troquées dans le rêve contre leur amie? Par exemple, peut-être, que j'aimerais bien l'échanger contre quelqu'un d'autre; ou bien l'autre éveille en moi des sympathies plus fortes, ou alors j'ai une opinion plus haute de son intelligence; je considère en effet qu'Irma manque d'intelligence en n'acceptant pas ma solution [Lösung]. L'autre en aurait davantage, et donc céderait plus tôt. D'ailleurs, la bouche s'ouvre bien; elle raconterait plus de choses qu'Irma". Il y a, dans le récit de rêve de Freud, trois femmes plus une (voire deux, voire encore plus) : - Irma, celle qui donne son nom au rêve en refusant la "solution" de Freud. Cette jeune veuve se plaint de douleurs dans la gorge, dans le ventre, dans le larynx. Freud inspecte sa bouche et y trouve des choses étranges, une grande tache blanche, des croutes, une infection due à un poison indéterminé. C'est une patiente indocile, qui "résiste à l'analyse". Dans le rêve, Freud la touche, "malgré la robe". A noter que, dans la vie réelle, il a fait examiner Irma par Fliess, son ami de l'époque. - une jeune et belle gouvernante, dont il a eu l'occasion d'inspecter la cavité buccale, où il a trouvé un dentier; - une amie intime d'Irma, veuve comme elle, qui souffre d'étranglements hystériques comme Irma. Mais celle-ci raconte plus de choses qu'Irma, sa bouche s'ouvre bien [à ce propos vient la note sur l'ombilic du rêve], elle est plus docile ; - dans le rêve de Freud, une quatrième femme est mentionnée : son épouse Martha, pour laquelle on s'apprête à organiser une fête d'anniversaire avec de nombreux invités, dont Irma. Le rêve est une anticipation de cette fête. C'est l'occasion pour Freud de nommer sa femme, sans l'inscrire dans la série des échanges. La position de Martha est ambiguë : elle propose de donner une bouteille de liqueur suspecte au prsonnel. - [à noter une présence féminine supplémentaire (voire deux) : la fille aînée de Freud, Mathilde, qui a été gravement malade deux ans plus tôt, qu'il associe d'une part à la mort d'un de ses amis qui avait abusé de cocaïne, et d'autre part à une autre malade, également prénommée Mathilde, qui a succombé à une intoxication au sulfonal, médicament qu'il lui est arrivé de prescrire. A son propos, Freud multiplie les associations relatives à une maladie grave : dysenterie, diphtérie]. - [et en outre une sixième femme, de 82 ans, à qui il fait chaque jour une injection de morphine. Cette femme souffre de phlébite, et Freud s'inquiète de la propreté de sa seringue]. Dans la résistance à l'analyse, il y a pour Freud à la fois un rapport de forces (Il faut qu'elles acceptent ma solution, qu'elles reconnaissent mon savoir, ma neutralité de psychalyste), et une séduction (celles qui gardent la bouche ouverte méritent ma sympathie). Eros et Polemos se condensent en un rapport ambigu, un poleros. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida UOmbilicFreud Rang = MOmbilicFreudGenre = - |
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