Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, Nietzsche                     Derrida, Nietzsche
Sources (*) : Derrida, père / fils               Derrida, père / fils
Jacques Derrida - "Séminaire 1975-76 "La vie la mort"", Ed : Seuil, 2019, p82

 

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S'entendre parler

En Oedipe se meurt la voix qui s'entend parler, "ma voix", dont le dernier mot désigne l'écriture de la mort du moi-même

S'entendre parler
   
   
   
"Je suis mort", "ma mort", signature de l'aporie "Je suis mort", "ma mort", signature de l'aporie
Derrida, la vie, la survie               Derrida, la vie, la survie  
Sur l'"autothanatographie", néologisme derridien                     Sur l'"autothanatographie", néologisme derridien    

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Pour commenter le fragment ci-contre de Nietzsche, daté de 1872, Jacques Derrida renvoie à Ecce Homo, dernier texte de Nietzsche (1888). Avant de sombrer dans la folie, Nietzsche se présente comme un vivant sur le mode du Je suis. Il se dit double, entre son père (mort) et sa mère (vivante), et il explique qu'à la mort de son père il est devenu presque aveugle (comme Œdipe). Ma vie, dit-il, n'est pas seulement un texte, une signature, c'est un corps, mon corps. En 1872, dans le fragment, il parlait déjà de ma voix, il se situait déjà comme le dernier philosophe, en se comparant à Oedipe. Pourquoi le dernier homme, le dernier philosophe ? Privé de l'assistance d'un père, hésitant entre deux chemins qui ne cessent de se dédoubler, Œdipe avance en aveugle. Il est le dernier d'une lignée, comme Nietzsche, le dernier philologue qui ne l'est plus. Nietzsche n'analyse pas Œdipe, il ne le décrit pas, il ne l'interprète pas, il dit moi, Œdipe, je suis au moment du passage au-delà de moi-même. En ce moment de transition, j'excède ce qui m'a précédé (mon père, ma mère, et je m'excède aussi comme fils). Je suis seul à me parler, et ma voix me parvient comme celle d'un mourant (Derrida, p80). Je m'entends parler, et je n'ai de rapport qu'à ma voix. J'aime cette voix, ce dernier souffle, mais je ne vois plus rien, et je sais que plus personne ne me voit. En-dehors de moi, l'autre homme, qui n'est peut-être que moi, meurt aussi. Et peut-être ma voix elle-même, elle aussi, est en train de mourir. C'est la solitude œdipienne, qui pour Nietzsche est celle de l'homme-philosophe.

Fragment 87 du Livre du philosophe (Nietzsche, 1872).

 

 

Dans le vocabulaire derridien, le dernier mot de Nietzsche-philosophe, le dernier mot de son auto-biographie, c'est une auto-thanatographie : pas le récit de ma vie, mais le récit de ma mort. Raconter sa propre mort est impossible, mais on peut l'écrire, et c'est ce que Nietzsche fait dans ce fragment. On peut l'écrire, et on peut en même temps écrire la mort de moi-même : la mort de cela même, l'homme, le philosophe, qui permet de dire "je". Telle serait la signification du nom Œdipe pour Nietzsche, et aussi pour Derrida.

 


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