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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Sur l'"otobiographie", néologisme derridien                     Sur l'"otobiographie", néologisme derridien
Sources (*) : Une signature à entendre au bord du corpus               Une signature à entendre au bord du corpus
Jacques Derrida - "L'oreille de l'autre, otobiographies, transferts, traductions", Ed : VLB Editeur, 1982, pp69-70

 

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CinéAnalyse : otobiographies

Par le néologisme "otobiographie", Jacques Derrida nomme la nécessité d'engager l'"entendre-parler" de l'oreille, avec ses différences, dans la structure testamentaire du texte

CinéAnalyse : otobiographies
   
   
   
               
                       

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Le mot otobiographie, orthographié de cette manière, n'apparaît pas dans le séminaire "La vie la mort" prononcé en 1975-1976, dont le texte Otobiographies est une réécriture partielle. On le trouve pour la première fois dans la conférence lue par Derrida en juillet 1976 à Charlottesville (Virginie) où il était aussi question du bicentenaire de la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis d'Amérique, puis à nouveau le 22 octobre 1979 à l'université de Montréal. En 1982, une transcription de cette conférence est publiée dans un recueil sous la direction de Claude Lévesque et Christie V. McDonald, sous le titre général : L'oreille de l'autre, otobiographies, transferts, traductions. A l'intérieur du recueil, le titre de la transcription est Otobiographie de Nietzsche (au singulier), expression reprise sur chaque page de la publication. Dans la discussion qui a eu lieu à Montréal le lendemain (23 octobre 1979), Christie V. McDonald parle à propos de ce mot de "dérapage". Voici ce qu'il dit : "Je me demande s'il y a moyen d'aborder cette question [il s'agit de la question de l'autobiographie comme genre littéraire] par le dérapage implicite dans votre titre, Otobiographie de Nietzsche, par ce passage de l'autobiographie à l'otobiographie dans un ordre anachronique entre hier soir et aujourd'hui" (LODLA p66). Il semble que Christie V. McDonald fasse allusion au retour, dans l'intitulé de la table ronde, du mot traditionnel autobiographie, alors que dans la conférence c'est le néologisme otobiographie qui avait été utilisé. Sans retenir la notion de dérapage, Derrida confirme une certaine inversion : "En ce qui concerne, tout d'abord, la transformation jouée, bien sûr, de auto en oto, transformation qui s'est renversée d'une manière chiasmatique aujourd'hui, elle est tellement bien calculée par l'institution qu'aujourd'hui nous sommes dans le Grand Pavillon alors qu'hier nous étions ailleurs" (p69). Par son jeu de mots, Derrida compare l'un des pavillons de l'université montréalaise au pavillon de l'oreille - façon d'introduire cette question de l'oreille dans une problématique institutionnelle, celle de l'enseignement, dont la transmission passe de bouche à oreille.

En 1984, le texte de la conférence est repris sous un titre encore différent, aux éditions Galilée, Otobiographies, L'enseignement de Nietzsche et la politique du nom propre, avec des modifications mineures. Cette fois le mot est au pluriel dans le titre du texte, mais il n'apparaît toujours pas dans le corps du texte. Sur cette question du pluriel, on peut observer que dans la publication de 1982 (L'oreille de l'autre), la question de l'otobiographie est reprise dans les débats. Pour chaque participant au débat, c'est Derrida qui est en position d'écoute. Dans la publication de 1984, la conférence est précédée par un texte sur les Déclarations d'indépendance, qui est une autre forme d'otobiographie : il aura fallu que le peuple américain entende, de sa propre oreille, cette déclaration d'indépendance, pour qu'il devienne indépendant.

 

 

Selon Derrida, le rapport bouche - oreille, oral, est l'exemple même de la structure du s'entendre-parler. Quand nous parlons, nous nous entendons, sans passer par aucun dehors. Dans ce processus, l'intelligence et la parole sont liées, la bouche et l'oreille sont présentes simultanément. L'axe bouche-oreille, incontournable pour le sujet qui s'entend lui-même, est aussi incontournable dans les situations de transmission de la vérité. Le logos se produit à travers la voix, dans l'évidence de la présence à soi-même, ou par la présence du père dans la relation filiale. Ce lien ombilical entre une bouche vivante et une oreille est indissociable de l'enseignement académique.

Jacques Derrida reconnaît la nécessité de ce passage par l'oreille, y compris pour lui-même dans son enseignement. "Je me parle à moi-même d'une certaine manière et mon oreille est immédiatement branchée sur mon discours et sur mon écriture", dit-il (LODLA p70). Il n'y a pas de retard dans cette expérience-là, mais dès lors que dans l'oreille de l'autre (de l'auditeur), il y a des différences, alors on n'est plus dans l'entendre-parler, mais dans le contrat, dans l'alliance.

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L'otobiographie, c'est l'acte de réintroduire du vivant singulier dans la structure testamentaire. C'est la réponse derridienne à l'appel autobiographique de Nietzsche.

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Le fait que le mot "otobiographie" n'apparaisse que dans des titres, c'est-à-dire en position de surplomb, d'autorité, pourrait faire croire que Derrida aurait voulu donner à ce mot, otobiographique, une résonance particulière, plus auditive, plus exigeante. C'est un mot en plus, ajouté postérieurement, qui nomme après-coup ce qu'il aura fait dans ce séminaire et peut-être ailleurs, un mot qui nomme un retard, et intervient avec retard.

 


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