Heidegger réserve à l'humain la pensée de "la mort comme telle", et soutient que l'animal en est dépourvu. L'animal (selon Heidegger) ne meurt pas, il arrive à sa fin, il se termine. Mais en va-t-il autrement pour l'humain ? Même s'il est certain de mourir, il ne peut se penser mort qu'en se voyant survivre in absentia à sa mort. Toutes les traces qu'il laisse après lui, les images, les souvenirs et même son cadavre, "sont déléguées à sa propre survie", Il n'y a pas d'expérience de la mort, mais seulement l'imagination d'un mourir encore vivant. Les rites de sépulture ou d'inhumation, quels qu'ils soient dans leur immense variété, ne sont que des rites de spectralité. Il est tout aussi impossible de penser sa mort pour un vivant que, par exemple, pour une pierre.

La nostalgie de la vie, la mélancolie, ne sont que des figures du deuil. Elles reconduisent la circularité du fantasme, du mort vivant. Même si l'on ne fuit pas devant ce vertige inquiétant, ce n'est qu'une figure de la-vie-la-mort, jamais de la mort comme telle.