Jacques Derrida commente un passage du Crépuscule des idoles de Nietzsche, Histoire d'une erreur, Comment le monde vrai devint enfin une fable (1888, ci-contre). Il le commente uniquement sous un angle que Heidegger n'aborde absolument pas dans son Nietzsche : la femme. Dans la problématique nietzschéenne du renversement (Umdrehung), le monde vrai ne s'oppose pas au monde des apparences, il s'abolit avec lui. Il ne s'agit pas de renouveler le contenu des valeurs, ni de supprimer toute hiérarchie, mais de transformer la structure même du hiérarchique. C'est seulement ainsi que le platonisme sera surmonté. Or la femme, dit-il ailleurs, c'est la vérité. Elle est atteinte à toutes les pudeurs, et jamais on n'en arrive au fond. Dans L'histoire d'une erreur, c'est l'idée, insidieuse et insaisissable, qui devient femme. "Moi, Platon, je suis la vérité" écrit Nietzsche dans un premier temps, puis dans un second temps, ce n'est plus "Moi, Platon" qui s'autoprésente comme vérité, mais la femme qui peut le devenir dans une autre mise en scène de la vérité. Dans ce mouvement, le monde-vérité (comme celui des apparences) devient inaccessible pour le philosophe. L'idée s'éloigne de Platon, elle s'exile, à distance. Tous les attraits que Nietzsche avait reconnus à la femme (séduction, captation, promesse, voile, désir), c'est maintenant à la vérité qu'ils appartiennent, mais comme histoire d'une erreur.