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Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la raison                     Derrida, la raison
Sources (*) :              
Jacques Derrida - "Théorie et pratique, Cours de l'ENS-Ulm 1976", Ed : Galilée, 2017, p48

 

Le satyre macon (Agostino Carracci, 1578) -

L'intérêt de la raison passe par un "par" qui garde la signification du "parce que" en formant d'un coup, sans métalangage, l'événement d'un texte

   
   
   
               
                       

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Pour commenter la VIIIème Thèse de Marx sur Feuerbach, écrite au printemps 1845, "Toute vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui détournent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique" (placée par Althusser en exergue de Sur la dialectique matérialiste, dans Pour Marx), Jacques Derrida fait un long détour par Kant, Heidegger et Ponge.

- Althusser en appelle à la nécessité pratique. Dans la thèse de Marx, celle-ci ne s'oppose pas à la théorie, mais au mysticisme. Comme instance ultime, la pratique n'est pas irrationnelle, mais rationnelle. En faisant appel à la praxis, il s'agit de confirmer la raison (p40).

- Il se pourrait que la raison pratique, en tant qu'elle implique le sujet ("ma" raison), satisfasse encore mieux le principe de raison (une instance antérieure à l'opposition théorie/pratique) que la raison théorique. Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m'est-il permis d'espérer? demande Kant (à la première personne du singulier). La dernière question, à la fois pratique et théorique, avec sa valeur d'intérêt et de rapport à l'autre, pourrait être, selon Derrida, le noyau commun de la raison : un événement qui doit arriver, qui arrive, téléologiquement (p43).

- Heidegger médite à partir du mot weil, qui en allemand signifie à la fois parce que et demeurer (weilen). L'essence de la raison, il va la chercher dans la sentence dite mystique d'Angelus Silesius : La rose est sans pourquoi. D'un côté, selon le principe de raison, rien n'est sans raison (Leibniz), mais d'un autre côté, la raison n'est raison qu'en n'ayant pas de raison (Abgrund). Le paradoxe de la raison, c'est que le lieu du pourquoi est ce fond sans fond, cet abyme : l'être.

Le satyre maçon (Agostino Carracci, 1578).

 

 

- C'est surtout le poème de Francis Ponge, Fable, qui résume en quelques lignes la pensée derridienne de la raison. Dans ce poème, "il est impossible de produire un métalangage au sujet de "par" sans passer par lui" écrit Derrida (p48), une impossibilité structurelle en rapport avec le bris du miroir des deux dernières lignes du poème. Dans le moment où le texte fait événement, l'effet spéculatif ou spéculaire se brise. C'est une façon de dire que la raison (un parce que) ne peut pas s'expliquer elle-même. Elle a toujours un intérêt, un espoir, qui fait d'elle ma raison. Le texte de la raison ne se démontre pas, il vient d'un seul coup. C'est ce procès à la fois performatif et constatif qui est décrit par le poème de Ponge.

Si l'on suit Derrida, la raison, telle que Althusser l'invoque après Marx, est structurée comme une fable. Le privilège de la pratique ne fait que renforcer cette structure - qu'on retrouve dans le champ sémantique des mots par, per, trans, tra (p48) proche du praxis grec (pp49-51).

 


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