Derrida
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Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
"Die Welt ist fort", Celan - Derrida 2002                     "Die Welt ist fort", Celan - Derrida 2002
Sources (*) : Derrida, la phénoménologie               Derrida, la phénoménologie
Jacques Derrida - "Béliers. Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème", Ed : Galilée, 2003, p77

 

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Derrida, acquiescement, le "oui"

Avant l'être, avant d'être moi, une injonction m'oblige à te porter; je suis seul à devoir traduire cet engagement envers l'autre, cette loi universelle

Derrida, acquiescement, le "oui"
   
   
   
               
                       

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Citation : "Selon Freud, le deuil consiste à porter l'autre en soi. Il n'y a plus de monde, c'est la fin du monde pour l'autre à sa mort, et j'accueille en moi cette fin du monde, je dois porter l'autre et son monde, le monde en moi : introjection, intériorisation du souvenir (Erinnerung), idéalisation. La mélancolie accueillerait l'échec et la pathologie de ce deuil. Mais si je dois (c'est l'éthique même) porter l'autre en moi pour lui être fidèle, pour en respecter l'altérité singulière, une certaine mélancolie doit protester encore contre le deuil normal (Béliers, pp73-74).

Et plus loin : "Je suis seul avec l'autre, seul à lui et pour lui, seul pour toi et à toi : sans monde. Immédiateté de l'abîme qui m'engage envers l'autre partout où le "je dois" - "je dois te porter" - l'emporte à jamais sur le "je suis", sur le sum et sur le cogito. Avant d'être, je porte, avant d'être moi, je porte l'autre. Je te porte et le dois, je te le dois. Je reste devant, en dette et devant à toi devant toi, je dois me tenir à ta portée mais je dois aussi être ta portée. Toujours singulières et irremplaçables, ces lois ou ces injonctions restent intraduisibles de l'un à l'autre, des uns aux autres, et d'une langue à l'autre, mais elles n'en sont pas moins universelles. Je dois traduire, transférer, transporter (übertragen) l'intraduisible dans un autre tour là même où, traduit, il demeure intraduisible. Violent sacrifice du passage au-delà : Übertragen : Übersetzen." (pp76-77). Le rapport à l'autre précède l'ontologie. Si la conclusion est bien celle-là, alors on peut dire que Derrida choisit, sans le citer, le nom de Lévinas pour étayer son commentaire final de la phrase de Paul Celan.

Equal Tense (Ieva Balode, 2018).

 

 

Derrida utilise dans ce passage des termes inhabituels pour lui. Il parle d'injonction universelle, de lois, quelques pages après avoir reprise une expression issue de Lévinas, l'éthique même.

Dans son interprétation phénoménologique de la phrase de Paul Celan, Die Welt ist fort, ich muss dich tragen, Jacques Derrida propose une épokhè radicale, absolue. Si, dans cette expérience, le monde se retire "jusqu'à la possibilité de son anéantissement" [qui n'est pas son anéantissement total, impossible], alors que reste-t-il ? Peut-être pas l'ego pur husserlien. Ce qui reste n'est pas un je, un sujet, une substance, c'est le geste de se porter vers l'autre. Devant la possibilité de l'anéantissement, "Je dois alors le porter [le monde], te porter, là où le monde se dérobe, c'est ma responsabilité" (p76). La transcendance du monde n'est pas en moi, je ne peux pas me l'approprier, elle est dans la rencontre de l'autre infiniment inappropriable, "au-dedans même de moi, c'est-à-dire hors de moi". C'est, dit Derrida, l'éthique même.

 


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