Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la cendre                     Derrida, la cendre
Sources (*) :              
Jacques Derrida - "Feu La Cendre", Ed : Des Femmes, 1987, pp15-27

 

-

On ne sait rien de la cendre, cette chose qui se destine à une dispersion sans retour, la mémoire perdue de ce qui ne se garde pas, ne reste pas et ne revient à personne

   
   
   
               
                       

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Il faut lire cette proposition en tension/conjonction avec cette autre proposition écrite à partir d'un passage du texte de Derrida, Feu la Cendre, pp15-27, quand il commente la phrase Il y a là cendre, une phrase qui est elle-même une citation, de lui-même ou d'un autre : La cendre se doit à un sacrifice, un don, et prend place comme trace dont il faut faire son deuil. Pour Derrida cette phrase est indécidable, ambiguë, et même imprononçable (à cause de l'indétermination orale du "là/la"). Ces deux propositions jouent sur cette ambiguité, mais sans complètement percer le secret de la phrase.

Dans la présente proposition, l'accent est mis sur la dispersion, le non-être, la destinerrance de la cendre. Ne portant aucune mémoire, il n'y a en elle ni "Qui", ni "Quoi", rien de déterminable ni de calculable, rien qui puisse servir de support à une mémoire ou à un deuil. Son destin est d'être "séparée, consumée comme une cendre de cendre". Elle n'appartient plus à aucun passé, on ne peut même pas en faire un poème. Elle n'est plus d'ici, elle ne l'a jamais été, le mot ne veut rien dire. Elle n'accepte ni signature, ni appartenance. On ne peut ni la lire, ni la recevoir, ni la reconnaître, à peine la rêver "comme une fumée de tabac". Si c'était un nom, Cendre, il serait illisible. C'est un signal de ce dont elle ne dit rien, mais pour n'en rien dire, pour n'en dire absolument rien, il faut annuler ce dire. La difficulté, c'est qu'il n'y a pas de cendre sans feu. Il faut présupposer un feu, mais alors ce serait un feu sans sacrifice, sans dette, sans résurrection. Il n'y aurait pas de lieu pour ce Phénix, aucune place : une incinération, un art consumé du secret. On ne saura jamais ce qui aura brûlé, l'incinéré n'est plus rien, le lieu pur du rien. Rien n'aura eu lieu - rien d'autre que le lieu. Le feu se destine à la dissémination, il ne revient à personne. De ce qui n'est pas ou n'est plus, elle reste, elle n'est pas ce qui n'est pas ni ce qui est, elle n'a pas de présence. Elle n'arrive pas à dire la différence entre ce qui reste et ce qui est.

Burial Path (Stan Brakhage, 1978)

 

 

Comme la cendre, la phrase Il n'y a là cendre reste intacte, indéchiffrable. Elle a été donnée, prêtée, oubliée, mais elle reste secrète, impassible, rien ne s'en dévoile. "Abandonnée à sa solitude, témoin de qui ou de quoi, le phrase ne dit même pas la cendre". Même son identité de cendre, elle ne la garde pas. Visible, elle reste illisible; traçante, elle perd la trace.

 


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