Dans les Vierges à l'enfant, la limite entre les deux êtres s'efface. Formé dans le sein de Marie, le Christ adhérait totalement à son sang et à sa chair, et de même que l'hymen est resté intact, l'adhérence a subsisté après la Nativité. Ils ne se séparent pas, la communion de leurs êtres ne cesse pas après les neuf mois. Elle souffre, meurt et ressuscite comme lui. Les blessures transitent de l'un à l'autre. Vierge mère, elle est fille de son fils, et lui est un père qui se montre comme le fils. C'est lui le Créateur qui la tient dans ses bras, comme si elle était la mère de sa mère. Au moment de l'Annonciation, il vient se lover en elle pour y habiter (Incarnation), mais il la recouvre.

Chacun se replie dans l'autre, alors même que l'autre est déjà replié. Elle est habitée et enveloppée par lui, et elle incorpore cette enveloppe, faisant trembler les limites. Les plis de ses vêtements redoublent ceux de ses entrailles. Les bords sont déplacés.

Cette indistinction peut prêter à toutes les dérives fantasmatiques : une enveloppe qui s'incorpore et défie la limite des corps, un tout qui vaut pour la partie et réciproquement, un entrelacs inextricable, des enveloppements successifs des couleurs et des perspectives.

Couronnement de la Vierge (détail), cellule 9 du couvent San Marco.