Pour Solal Rabinovitch, l'abandon le plus ancien est l'abandon sonore : celui de l'enfant lors de la perception première. Cette perception, il la rate, il n'en saisit rien, et qu'est-ce qui vient à sa place? La voix de l'Autre. Le ratage, l'échec, le trou, il préfère ne pas se les représenter. Refoulement primordial. Il entend un mot et peut s'abîmer dans cet objet : il est au bord du rien. A cette place, il incorporera la voix qu'il fera sienne, et plus tard, peut-être, il répétera cet abandon quand il entendra de la musique (comme l'amateur d'opéra, arraché à lui-même par le sanglot de la diva)...

Lorsque le mot est frappé de refoulement, perdu, il s'abîme dans le vide de l'Autre. Il y a toujours connivence entre cet objet si familier qu'est la voix et ce qui dans l'Autre nous échappe : entre le sujet et l'Autre, il y a division.

A la voix est toujours attachée une certaine angoisse. On sait qu'on ne la retiendra pas. Elle s'échappera dans le vide, comme tout le reste, comme chaque perception, comme chaque instant vécu. Qu'y a-t-il là-bas, à l'endroit où nous perdons tout cela? Un abyme.