(Ouzza) : Au départ, c'est Elena qui m'a expliqué que Danel serait le personnage principal (et comment savait-elle cela, elle?). Il ne devait pas y avoir de difficulté de ce côté-là. Danel serait un garçon réservé, tranquille, plutôt sympathique, héritier d'une longue histoire qui ferait retour de manière imprévisible. Le pitch n'était pas si original que ça. J'ai deviné qu'il y aurait, pour moi, plusieurs passages délicats : entre leur parole et mes écrits, entre leur voix et la lettre, entre leur déclamation et mon style. Mais je n'aurais jamais imaginé que ça irait si loin. Je n'avais pas de raison de me méfier.

- Le Scripteur : On peut comprendre que le lecteur ait un peu de mal à s'y retrouver. Pourtant le principe est simple : Ouzza Kelin est le narrateur de l'Orlœuvre, c'est-à-dire qu'il raconte l'histoire des personnages, de leurs relations et de leurs échanges. C'est lui qui fait de cet ensemble complexe de rapports un récit. Comment l'Orloeuvre survivrait-elle si la chronique compliquée de leurs amours, leurs emballements, leurs détresses ou leurs disputes n'était pas scrupuleusement tenue et conservée? Il était fatal que s'établisse une distinction entre d'une part Ouzza et d'autre part les scribes proprements dits (dont Mariette et son crayon noir, Valentin et son calepin, tous eux-mêmes personnages de cette fiction) - auxquels s'ajoute votre serviteur, qui contribue de manière parfois invisible mais notable à cette chronique. En principe, Ouzza ne s'occupe donc ni du contenu des controverses, ni de leur classement, ni de leur archivage. Disons qu'il fabrique des histoires, quand il ne les invente pas, afin qu'elles soient présentables, mais comme il est lui-même impliqué dans ces histoires, il faut bien qu'il raconte un peu sa vie.

- (Ouzza) : Je ne suis pas le seul à raconter ces histoires. Tout le monde y contribue, à sa façon et pour sa part.

- Le Scripteur : Et pour être honnête, il faut bien que j'ajoute une autre précision concernant une certaine galaxie de personnages. La question intéressante n'est pas de se demander ce qui est commun entre Danel Qilen, Ouzza Kelin, votre serviteur, Pierre Delayin et le petit dernier, un peu moins bavard mais pas complètement caché, Pierre K. [sans parler de l'officiel, celui de l'état-civil, le moins intéressant de tous], la question intéressante est de se demander pourquoi un écart s'est creusé. C'est ce que notre philosophe référent a appelé l'espacement - et c'est aussi, vu sous un autre angle, le coeur de notre activité autobiographique.

(Ouzza) La vérité, c'est qu'il fallait trouver son chemin dans un espace inconnu, invisible, inquiétant. Il fallait faire vivre une certaine forme d'alliance entre différentes catégories d'écritures qui ne marchent pas ensemble.

- Alexandra : On pourrait dire de Bendito qu'il serait le grand Manitou des controverses. Ce serait lui qui aurait la lourde tâche de mettre un peu d'ordre dans tout ce qui tombe dans cette fosse idixienne. Quant à Ouzza, s'il était le Manitou de quelque chose, ce serait plutôt des grandes aventures et des petits arrangements, des histoires de famille et des rencontre inopinées.

(Ouzza) Soyons clairs : je n'écris rien, je ne tiens aucune plume. Je ne suis qu'une signature.

(Elena : Je ne lui ai rien dit de sa généalogie, ni de l'ancienne catastrophe dont il ignore tout et qui pourrait avoir eu un certain impact sur lui (II Sam 6.3-8)).

Propositions (les têtes de parcours sont entre crochets)

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