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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
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S'exposer à la perte | S'exposer à la perte | ||||||||||||||||
Sources (*) : | |||||||||||||||||
John Fergusson - "Par-dessus le marché", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 28 août 1995 Perte et voix (Gerard Sith, 2012) - |
La perte est l'essence de la voix |
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Tu peux toujours parler, tu ne réussiras jamais à conserver ta voix. Elle téchappera. Tu ne peux rien y faire, cest sa nature profonde et son génie, cest son essence la plus intime. La voix est ce qui téchappe quand tu ten sers. Par définition, elle chute. Cette définition est la première et la principale. La voix est un objet qui ne fonctionne quà la condition de se retirer de toi. Cherche, et dis-moi si tu trouves dautres objets du même type. Elle te fuit, elle senfuit, elle se faufile de toutes les fentes y compris de ta bouche, de tes paupières et des autres, les fentes auditives, les fentes involontaires, les fentes des murs et les fentes du sexe. La voix profite de toutes les cicatrices et sy glisse, heureuse de téchapper. Tu tefforces parfois de la récupérer par le moyen le plus simple, qui est de lécouter. Oh Oh! Ma voix! Reviendras-tu? Eh bien non. Ce qui te revient est une voix, mais tu nas pas limpression que ce soit vraiment la tienne. Celle-ci est trop bizarre, elle vient de trop loin, il doit y avoir une erreur. Non, décidément, cette voix est la voix dun autre. La tienne, celle que tu émets quand tu parles, elle est définitivement perdue. Il est impossible de la retrouver seul. Il faut se rattacher à un monde, à une lignée. Dès quelle est prononcée, elle se perd. Cest une constatation toute simple. Observe ce qui se passe. Tu tinstalles dans une petite pièce avec quelques personnes. Vous parlez. Les voix occupent lespace, elles le remplissent. Vous bavardez, vous vous sentez bien, vous vivez chacun dans une sorte de plénitude, tu entends ce que je veux dire? Ça dure un certain temps, puis leffet de la parole sépuise. Que se passe-t-il? Le silence. Où sont passées les voix qui occupaient lespace? Où? Où? elles sont perdues, définitivement perdues. Elles sont mortes, englouties dans le passé, à tel point que ce genre de perte est devenu une métaphore de la mort. Sa voix sest perdue dit-on pour signifier quil est mort. Laffinité est si grande entre la voix et la perte quon peut dire indifféremment de la perte quelle est lessence de la voix, ou de la voix quelle est lessence de la perte. Tu diras que ce vocabulaire philosophique na pas grand sens. Mais quand même. Sans la voix, lhomme aurait-il la perception de la perte? Et sans cette dimension humaine essentielle quest la perte, parlerait-on? Il arrive que, au lieu de se propager harmonieusement dans un espace partagé, la voix chute. Normalement, la voix chute vers le haut. Il y a à cela deux raisons. Premièrement, la voix nest pas soumise à la gravité. Elle ne tombe pas au sens du kilo de plumes ou du kilo de plomb; sa tendance naturelle est de sétaler. Deuxièmement, en général, cest dans cette direction quelle rencontre le moins dobstacles. Elle sy dirige donc avec plus de facilité. Ça semble paradoxal, mais cest bien ainsi que ça se passe : la chute vocale est ascensionnelle. Cette inversion présente plusieurs avantages. Elle nous maintient miraculeusement debout malgré toutes les occasions que nous avons, nous, de chuter vers le bas. (...). Et puis, cette direction (le haut) représente lidée que la voix puisse rendre la perte aussi productive que possible, comme je lexplique plus loin. Il arrive quelle seffondre. Cest une impression terrible, un destin totalement contraire à sa vocation naturelle. Elle est partie de derrière la tête, elle sest élancée, et flop! elle est tombée verticalement dans lépaisseur dun échec. Contrairement à lhabitude, lair na pas réussi à la porter. La chute la plus perturbante et aussi la plus courante est celle par laquelle la voix se précipite simultanément dans les six azimuts. Comment contrôler cela? Comment rester maître de sa parole alors que sa propre voix, sans aucune considération du lieu où elle pourrait aboutir, séchappe ainsi dans toutes les directions imaginables?
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La formulation la plus immédiate de la perte, cest : rester sans voix. Quand un évènement est si fort que tu en restes sans voix, cest que quelque chose de grave sest perdu. Ce quelque chose nest pas nécessairement un objet ou une personne. Ce peut être une idée, un espoir, une conviction, une naïveté, une confiance, etc... Mais pour linstant tu ne peux rien en dire, cest fichu (cest-à-dire perdu). Lévènement traumatique sest produit. Entre silence et sanglot, tu réalises une absence. Tu ne sais pas encore si cette perte sera temporaire ou durable, tu ne sais pas encore si ce que tu as perdu de vue va revenir dans quelques instants dans ton champ de vision. Cest encore irréel. Tu es vidé, anéanti, douloureux. Tu te demandes si tu ten sortiras, quand et comment. Alors, tu parles. La voix concrétise la perte, la voix incarne ce qui te laissait sans voix. Sil y a voix, il y a parole et langage, et donc perte de tout ce que la parole et le langage font perdre. Ce tout, on peut le regrouper sous un terme unique : la jouissance. La voix est étroitement associée à la perte de jouissance. Ceux qui perdent la voix perdent également la jouissance. C'est pourquoi ils deviennent haineux. Une voix est liée à un visage, mais elle est aussi ce qui se détache de ce visage. A part cette chose dégoûtante quest un crachat (le crachat, cest le dégoût appliqué à la voix) et cette autre chose inclassable quest le regard, rien dautre que la voix nest détachable du visage. La voix semble mieux apte à représenter la perte en général que telle ou telle perte en particulier. Une simple bouche ouverte, ronde, dépourvue de langue et de dents, ni gaie ni triste, suffit pour représenter la perte. Certes il y a dautres façons : le trou, le précipice, la mutilation. Mais ces modalités salimentent toutes à une seule et unique source : une bouche ouverte avec rien à lintérieur. De même quil ny a pas de sujet de la fiction, toute fiction se détache nécessairement de la voix qui lénonce. Il en est de même pour tout récit légendaire et pour tout fondement mythique : il ne peut fonctionner que parce quil sest détaché de la voix, parce quil a perdu la voix originelle. Raconter une histoire, cest accepter que cette histoire se détache de la voix qui la raconte. A ce prix seulement, lhistoire peut remplir une fonction sociale. La lance brisée de St Georges est un tel mythe. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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John VoixPerte CP.ESS Q.perte Rang = MGenre = DET - DET |
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