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TABLE des MATIERES : |
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Un athéisme athée | Un athéisme athée | ||||||||||||||||
Sources (*) : | |||||||||||||||||
Gil Aelligam - "Semences d'a-théisme", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 19 octobre 1998 | Un ou des athéismes |
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L'athéisme est au coeur de notre époque, et ce dans tous les sens du terme. Comprenez-moi bien. Il ne s'agit pas seulement de constater qu'il y a beaucoup dincroyants de nos jours, voire beaucoup d'athées. Ça, n'importe quel institut de sondage est capable de vous le confirmer. Non, je ne parle pas de la quantité, je parle d'un problème qualitatif plus difficile à expliciter : il s'agit de la place de lathéisme dans notre façon de penser, dans notre façon d'être, dans les rituels de notre société. Cette place, elle est centrale. Bien qu'il reste encore beaucoup de croyants, la religion est devenue périphérique. Et même si les croyants étaient majoritaires, ils seraient quand même à la périphérie, parce que l'athéisme est devenu l'axe premier des croyances. Evidemment, mon opinion nest pas partagée par tout le monde. Sergueï, par exemple, met lathéisme et la religion sur le même plan. Il pense qu'il y a entre les deux une continuité fondamentale, voire une identité. Selon lui, ils ont fini par converger, et le résultat de cette convergence est la science, ni plus ni moins. La science est l'aboutissement final de la théologie, et aussi des efforts pour nous en libérer. En d'autres termes, parmi les sources de la science, certaines sont religieuses et d'autres sont agnostiques ou athées, sans qu'il y ait de différence fondamentale entre les deux. Il me semble que, sous l'angle de l'histoire de la pensée, le point de vue de Sergueï est difficile à contester. Mais aujourd'hui la symétrie qu'il pose me paraît trompeuse. Il y a bel et bien une différence de nature entre l'athéisme et la religion, car l'athéisme vient mettre un point dorgue et un point final à la modernité, tandis qu'au contraire la religion est le symbole d'une certaine continuité. C'est pourquoi je continue à penser que lathéisme est une question centrale, même si j'ai des difficultés à exprimer de quel genre de centre il sagit. Je dois dire que cette question de l'athéisme me travaille, même si je n'en parle avec personne. Pour la majorité des gens, il faut bien reconnaître que ce nest pas un souci de tous les jours. On a dautres chats à fouetter, dautres problèmes à régler, à quoi bon embêter les gens avec des préoccupations qui au premier abord ne les touchent pas personnellement? Pourtant j'ai lintuition que cette préoccupation là porte un enjeu tout particulier, et que notre avenir est influencé par la façon dont on la traitera. Donc je ne renonce pas, jessaye de répondre à la question : Quest-ce que lathéisme?, et ça nest pas simple, cest le moins quon puisse dire. Au fond, cest peut-être de cette constatation-là que jaurais dû partir, de ce fait que personne ne se demande jamais ce que c'est que l'athéisme. Personne. On se contente de lopposer à la religion et on ne le définit jamais. Mais quelle importance après tout? Il y a des gens qui croient en dieu, et d'autres qui n'y croient pas. Est-ce que ça ne devrait pas nous suffire? Est-ce qu'il y a un autre enjeu dans l'athéisme que ce simple énoncé? A quoi ça sert de se demander ce que cest, lathéisme? Donc, je mintéressais au sujet et, à force de chercher, je trouvais des interlocuteurs. Je discutais avec Jorge, et lui prétendait que croire en dieu ou ne pas croire en dieu était une affaire purement personnelle. Son raisonnement avait le mérite de la cohérence. Tu fais un choix, disait-il, tu fais un pari comme le proposait Pascal, en fonction de ce qui est le plus important pour toi dans la vie. Si tu te dis que dun côté de la balance il y a cette tristesse dune vie qui va sarrêter un jour, sans crier gare, une fois pour toutes, et que de lautre côté il y a une possibilité peut-être infinitésimale de vie infinie et bienheureuse, alors tu choisis de croire. Peu importe pour toi que dieu existe ou non, tu te dis quil vaut mieux croire quil existe. Mais tu peux aussi faire le choix inverse. Tu peux te persuader quun plaisir immédiat et certain, auquel tu as droit dans le monde athée, a plus de valeur quun plaisir éventuel et incertain, auquel tu pourrais éventuellement avoir droit dans un autre monde improbable. Ça nest jamais que la démarche hédoniste la plus courante : je choisis une fois pour toute linexistence de dieu, je men considère comme satisfait, parce que jen attends plus de plaisir. En résumé, Jorge est persuadé que le choix de lathéisme est purement individuel, que la question de lexistence ou de linexistence de dieu a plus rapport avec ton vécu, tes joies, ton intérêt, quavec la présence réelle dun objet réel dont on sait si peu de choses et quon peut toujours appeler dieu, pourquoi pas. Moi, pour ma part, je ne partage pas la façon de penser de Jorge. Je pense que lathéisme nest pas une problématique individuelle mais un phénomène social, une question que la société nous pose à tous, collectivement, et à laquelle nous ne répondons pas de façon individuelle, mais dune façon normée, collective, dune façon qui nous est imposée par la société. Parce que, de toute évidence, on ne peut pas se poser la question de lathéisme indépendamment de son époque. Je me rappelle que dans les années 60, une discussion avait agité les milieux spécialisés à propos de Rabelais. Quelques universitaires se posaient la question suivante : Rabelais croyait-il en dieu, ou bien était-il athée? Il était difficile de trancher. Chacun avait ses arguments, et finalement on sest aperçu que la question nétait pas pertinente. Au seizième siècle, Rabelais ne pouvait pas être athée, car lathéisme nexistait pas. La croyance en dieu était aussi naturelle que la pluie et le beau temps; personne ny échappait. Rabelais disait des gros mots, il jurait, il faisait de la provocation, il plaisantait, mais il ny croyait pas, il nétait pas vraiment athée. Eh bien aujourdhui, je pense quon peut dire exactement linverse. A notre époque, tout le monde est athée, nous baignons tous spontanément dans lathéisme. Ceux qui sont croyants néchappent pas à cet athéisme ambiant. Leur foi suppose un effort, une force de conviction qui les éloigne de la croyance commune. Aujourdhui, les croyants ne peuvent être croyants que sur le fond d'un athéisme dominant, sur la base dun acte supplémentaire et décisif, un acte qui les distingue de la croyance commune. Quelquun qui croit en dieu nest jamais quun athée qui a refusé lathéisme. Bon. Je sens que je commence à vous embêter sérieusement avec ces généralités. Et je suis daccord avec vous, tout ça ne serait pas bien grave sil ny avait pas eu le 20ème siècle. Car il faut bien le reconnaître, lathéisme, au 20ème siècle, a été un cauchemar. Cest une des pires expériences quait pu faire lespèce humaine. En effet, sil ny avait pas eu lathéisme, est-ce quil y aurait eu Staline? Sil ny avait pas eu lathéisme, est-ce quil y aurait eu Hitler? Sil ny avait pas eu lathéisme, est-ce quil y aurait eu la montée de la drogue, de limmoralité, de la violence? Si je pose le problème comme ça, jai lair de me situer du côté du moralisme et de la religion, ce qui nest évidemment pas du tout mon propos. Dailleurs, je vous dis tout de suite quil y a une réponse que je ne discuterai pas, cest celle de ceux qui proposent de revenir à la religion pour résoudre les problèmes de lathéisme, cest-à-dire de revenir en arrière. Le problème, cest quon ne revient jamais en arrière, et que la religion ne se décrète pas. On peut toujours faire des coups dEtat intégristes, on ne peut jamais faire changer davis à la majorité des gens. Pour moi, la religion sous sa forme traditionnelle est dépassée, il ny a pas à revenir là-dessus, chacun son point de vue. Mais je voudrais introduire à une question un peu différente, et qui serait la suivante : Quest-ce qui viendra après lathéisme? Y a-t-il un post-athéisme? Sil faut remplacer lathéisme par autre chose, cest par quoi? En voilà une idée me direz-vous, et avant de la poser, il faudrait peut-être déjà comprendre quelque chose à la situation actuelle, et sur ce point, nous navons pas avancé dun poil. Alors, avant daller plus loin, je vais vous dire un mot de la position de François. Pour François, cest simple, lathéisme nexiste pas. Il nest quune béquille, un tenant-lieu, un regroupement de substituts hérités du passé et dont on narrive pas à se débarrasser. Pour éviter de parler de dieu, sujet devenu scabreux, on parle de lAutre, de laltérité, de lailleurs, du là-bas, de lau-delà, du transcendant, de linvisible, de lindicible, de la Chose, de tout ce quon voudra. François pense que ces notions nont pas grande signification et que lathéisme ne sert quà les ramasser comme une voiture-balai et à les regrouper dans une auberge espagnole qui nous apportera un petit peu de repos mental. Lathéisme est la décharge de toutes nos illusions. En réalité, dit François, à notre époque, il ny a quune chose qui marche, cest la science. Tout le reste nest que littérature, appelez-là athée si vous voulez, ça na pas beaucoup dimportance. Lathéisme a été utile parce quil nous a affranchi dun certain nombre de limites traditionnelles, mais maintenant le seul ordre qui subsiste est celui de la science. Cest un ordre implacable auquel nul néchappe. Quels que soient ses défauts, cet ordre-là enterre les vieilles problématiques. Sachez-le, la science est le moyen le plus puissant qua trouvé lhomme pour faire concurrence à dieu, et toute question philosophique, maintenant, y est subordonnée. Voilà la position de François, qui laisse peu de place à la discussion, il faut bien le reconnaître. Cest bien pour ça dailleurs que cette position me pose un gros problème. Car si nous suivons François, il ny a plus aucune place pour aucune subjectivité. Lhumanité est expulsée de laffaire et, dune certaine façon, la science devient une nouvelle religion. Or moi, dans la société actuelle, je constate exactement le contraire. Lhumanité existe toujours, il y a toujours des sujets capables de penser par eux-mêmes, et cest pour ça que je mintéresse à lathéisme et non pas à la science. Je laisse donc François à ses spéculations, et je poursuis mon propre chemin. Comme vous pouvez le constater, on vient à peine de commencer et jai déjà fait allusion à au moins trois ou quatre conceptions différentes et même incompatibles de lathéisme. En effet, quel rapport y a-t-il entre la conception de Jorge, celle du choix individuel, celle de Sergueï qui pense qu'il diffère peu de la religion, et celle de François, pour qui lathéisme a involontairement conduit à une sorte de nouvelle alliance entre lhomme et la nature, alliance quon appelle la science ? Mais nous nallons pas nous arrêter en si bon chemin. Tiens, je vais vous dire un mot de la conception dArno. Là, cest un peu compliqué, parce quArno a été influencé par ces deux immenses penseurs que sont Benoît Spinoza et Gilles Deleuze, et le résultat est quil ne pense pas exactement comme tout le monde, il a ses mots propres et ses idées propres. Mais bon, cest pas pour ça quil faut pas lécouter, nest-ce pas? Donc, pour Arno, la question doit être posée au niveau du plan dimmanence. Ah! le plan dimmanence, je sens que ce jargon vous fait fuir. Si vous voulez, je peux utiliser un autre mot, je peux lappeler planomène, mais je suppose que ça néclairera pas beaucoup plus votre lanterne. Et pourtant, dans mon questionnement sur le post-athéisme ou ce qui pourrait en tenir lieu, je ne peux pas faire limpasse sur ce fondateur qua été Spinoza, lequel Spinoza a littéralement inventé la question de lathéisme en intitulant son livre principal LEthique. Ça nest quand même pas anodin, ce titre. Évidemment, Spinoza ne sest jamais reconnu comme athée, parce quà son époque, probablement, cétait inavouable, mais le point essentiel nest pas là. Le point essentiel est quil a posé la question sous la forme suivante : Dans un monde dimmanence, quelle est la place du sujet humain? Quelle est léthique quil faut pratiquer?. Telle est bien la question fondamentale, telle est la sacrée question qui me touche au plus près. Donc, pour en revenir à Arno, en quoi consiste sa position? Si je devais la résumer en une phrase, une seule, je dirais que, pour lui, l'athéisme est la persévérance de l'être. Lêtre persévère, voilà ce quil constate, point à la ligne. La persévérance est pure affirmation et se situe sur un seul plan, toujours le même (que Gilles Deleuze compare à un plan fixe au cinéma). Toute transcendance est une illusion. Quelle forme prend cette persévérance? Cest une puissance. Pour lêtre humain, cest une puissance de désir que Spinoza appelle cupidita et que Deleuze désigne sous le nom de corps sans organe. Pour les autres substances, cest un processus de production dépourvu dinstance extérieure, une pure combinaison de plus et de moins, comme en informatique. Dailleurs Arno fait souvent remarquer que ce quon appelle aujourdhui le cyberespace, lespace informatique, est en profonde connivence avec la pensée spinozienne. Ainsi le logos et lactivité symbolique humaine ne seraient-ils, selon lui, que de simples croyances, des strates de pensée utiles mais trompeuses. Jai discuté des nuits entières avec Arno, et comme certains de ses arguments me paraissaient très forts et dautres insoutenables, jai fini par me dire que cétait probablement une erreur dopposer limmanence à la transcendance. A mon avis, elles se complètent et léthique post-athée que nous recherchons devrait être fondée sur les deux. Le monde nous est donné double, il faut le prendre et laccepter double. Voilà un point de départ bien vague, je le reconnais, mais il faut partir didées simples. Mais jallais oublier que je me trouve devant une assemblée maçonnique, ce qui moblige à évoquer le point de vue de Gaëtan. Ah, Gaëtan! Je préférerais nen rien dire. Mais raisonnablement, je nai pas le choix. Voyez-vous, à mon avis, les pires, parmi les athées, sont ceux qui ont bonne conscience, ceux qui croient avoir raison une fois pour toutes. Ceux-là sont, de mon point de vue, les mauvais athées. Là, je touche à un sujet quil est assez délicat dévoquer en maçonnerie et qui sappelle la laïcité. Ah! mot sacré que celui-là. Si je peux résumer ma position, je dirais que les mauvais laïcs sont ceux qui conçoivent la laïcité comme un absolu. Ils pensent quêtre athée, ça veut dire faire la guerre à la religion. Il y a des gens qui n'ont peur de rien, y compris des mots creux. Ceux-là seraient capables, par exemple, de faire une carrière de conservateur du musée de lathéisme au nom du droit des peuples à disposer deux-mêmes. Leur athéisme à eux est gravé dans le marbre. Ils ne perdent pas leur temps à comprendre les autres car ils ont déjà réponse à tout. Gaëtan ne fait pas tout à fait partie de cette catégorie. Il est, lui, persuadé que la laïcité trouve son fondement dans le droit, pas le droit des peuples mais le droit tout court, le droit républicain. Mais d'où vient le droit? Gaëtan préfère ne pas répondre. Il sait que la religion et la justice ne se sont séparées que vers le 16ème siècle et donc qu'elles ont des racines communes. Dieu ayant disparu, le droit remplace entièrement tout l'édifice de la religion. Mais d'où vient la légitimité du droit? De la République, répète Gaëtan, avec toutes ses institutions, notamment électives. En somme, de son point de vue, Dieu est mort pour la loi, et la loi nous protégerait contre son retour. Voilà au moins qui nous garde de toute métaphysique. Le pragmatisme du droit permet de se conduire comme un athée, même quand on ne l'est pas. Heureusement, le monde de la laïcité nest pas composé seulement de mauvais laïcs. Il y a aussi les bons laïcs. Ceux-là fonctionnent comme Jacques. Que dit Jacques? Il soutient que la laïcité ne peut pas trouver son fondement en elle-même. Ça n'a l'air de rien, mais c'est très audacieux. Si elle n'est pas fondée en elle-même, en quoi est-elle fondée? Et est-elle encore une laïcité? Pour Jacques, être laïc, cest se situer au point de croisement éminemment variable dune multiplicité de traditions. Parier que ces traditions ne s'opposeront pas, mais convergeront quelque part, est un pari risqué, encore plus risqué que le pari de Pascal. L'univers est complété par le multivers, mais reste un univers. Les religions ne sont pas condamnées, mais relativisées. Cette position est plus exigeante que celle des républicains pur sucre. En pratique, il est plus difficile dêtre bon laïc que mauvais laïc, et lathéisme a jusquà présent aussi souvent conduit à des religions de substitution quà la tolérance optimiste de Jacques. Mais laissons là la discussion sur la laïcité, qui est si vaste que nous risquons tous de nous y noyer. La question, donc, pour moi, se pose de la façon suivante : Comment dépasser lathéisme tout en restant athée? Peut-on imaginer que lathéisme devienne un permanent dépassement de lui-même, sans pour autant se renier? Cette façon de poser la question nest pas anodine. Elle se situe dans le temps. Elle suppose quà différents moments, on ne peut pas apporter la même réponse, ce qui est un choix philosophique, un choix en rupture avec une tradition de type cosmique qui laisse entendre que lunivers serait comme il est une fois pour toutes, un choix qui récuse toute conception statique de lathéisme. Melissa, elle, se désintéresse de toute perspective historique. Je vais tenter de vous restituer à peu près ce quelle dit. Si je pose la question : Quest-ce quun athée?, je peux donner deux types de réponses. La première est : Un athée est quelquun qui ne croit pas en dieu. Cette phrase-là met laccent sur la croyance. Ou bien je peux dire : Un athée est quelquun qui croit que dieu nexiste pas. La seconde formulation est la plus radicale. Dans la phrase Un athée est quelquun qui ne croit pas en dieu, la proposition est seulement négative : lathée ne croit pas en dieu, mais la place de dieu subsiste, la problématique de la religion est conservée. Au contraire la phrase Un athée est quelquun qui croit que dieu nexiste pas comporte une proposition positive : Dieu nexiste pas, affirme lathée." Cest, si lon veut, un pas de plus dans léloignement de dieu. Melissa nhésite pas à la franchir, ce pas, elle va même beaucoup plus loin, elle est décidée à fonder sa conception du monde sur cette affirmation. Quest-ce qui se substitue à dieu? Un rien qui fabrique du silence, un ciel déshabité qui résonne au-dessus de nous et nous oblige à construire sur ce fondement incertain. Pour Melissa, ce silence n'est pas un phénomène négatif, mais positif. C'est sur lui qu'il faut bâtir. Mais il y a encore plus radical quel la position de Melissa. Si lon suit Grégoire, on a limpression que l'athéisme nous fait revenir au tohu-bohu initial de la bible, il nous laisse dans un monde où il ny a plus ni distinction, ni échange, ni lien, et où à la limite il ny a même plus dhomme. Il ny a plus de création, il ny a plus dorigine, plus personne ne te voit ni t'entend, le néant est au coeur du langage. Cela conduit à une psychologie plutôt dépressive, du genre, Pourquoi suis-je venu et ny avait-il personne?, voire à un certain désespoir. Je ne dis pas que Grégoire a tort, mais je pose la question suivante : Qui aura le courage de se situer durablement sur ce terrain-là? Jen viens donc à la position de Nata qui exerce sur moi, je dois le reconnaître, un certain pouvoir de séduction. Pour Nata, lathéisme est causé par un second retrait de dieu, je dis bien un second, et pourquoi un second? Parce que, selon Nata, à lépoque des prophètes, dieu sest retiré une première fois. Depuis cette époque, il na plus fait de miracles, il na plus parlé à lhomme, il a cessé davoir la moindre influence sur sa propre création. Il a laissé lhomme libre de faire ce qui lui convenait. Mais alors, sil sest déjà retiré une fois, quelle est la signification de ce second retrait? Cest que non seulement dieu sest retiré, mais que le désir de dieu sest retiré lui aussi. Comme le dit le poète Edmond Jabès : Trois fois dieu sest retiré : dans le Nom, dans léclatement du Nom et dans leffacement de cet éclatement. Nous sommes aujourdhui dans la phase de l'effacement. Il ny a pas que la présence de dieu qui se soit évanouie, il y a aussi la possibilité même de la prière. Mais cet effacement auquel semble avoir conduit lhistoire humaine rencontre certaines limites. Pour paraphraser Goethe qui disait que seul un dieu peut se mesurer à un dieu , Nata défend que, pour devenir un fondement suffisamment solide de laction humaine, lathéisme a besoin de toutes les ressources mentales de lhumanité, y compris la science, la poésie, la philosophie et la Cabale. Dailleurs Nata est une grande cabaliste. Sans cette tradition, elle avancerait avec moins de sûreté dans son questionnement. Quand labsence elle-même est absente, que faut-il faire? demande Nata. Eh bien, il faut rire répond Ouzza. Car Ouzza a une définition assez particulière de lathéisme. Pour llui, l'athéisme est le rire de dieu. De quoi dieu rit-il? Il rit de lui-même, et cest ainsi quil cause le monde. Mais quand dieu sen va, le rire reste. Cest ce qui rend lathéisme à la fois comique et tragique. Avec dieu, toute la chaîne des causalités sest retirée, et la cause ultime, celle qui est pourtant si fondamentale pour nous, est devenue risible. Bon dit Gil, ce tour dhorizon déjà ennuyeux risque de devenir insupportable. Il faut bien que jen arrive à la conclusion. Ce nouvel athéisme dont jai eu la présomption de vous parler, le post-athéisme, quest-ce que cest? Je vais essayer den donner une ou deux définitions. Le monde existe, cest un fait, on ne peut pas en disconvenir. Il existe, mais quelle est sa cohérence? Quelle est sa consistance? Supposez avec moi que le monde nait par lui-même aucune consistance, quil ne soit par lui-même quincohérence et dispersion. Allons plus loin. Supposons que non seulement aucune cohérence ne lui vienne du ciel, mais quen outre, depuis la terre, lhomme aussi renonce à lui donner une cohérence, quelle quelle soit. Je vois dici votre désapprobation. Est-il possible de vivre dans un monde totalement incohérent? Probablement pas. Mais ce quon peut faire, peut-être, cest construire un monde qui accepte sa propre incohérence, et même, qui sen enrichisse. Comment faire pour arriver à un tel résultat? Il faut imaginer que la subjectivité humaine puisse y trouver un terrain dépanouissement. Cest tout ce que jai à proposer, je reconnais que ça nest pas grandiose. Lathéisme est un pari. Mais ce nest ni le pari que dieu existe, ni le pari que dieu nexiste pas, cest le pari que le sujet existe, un pari qui dailleurs est loin dêtre gagné. Dieu nest pas mort, il est inconscient, et il fait exister le sujet. Comme le disait Gert, un athéisme qui ne serait pas fondé sur le désir n'aurait aucun avenir. Mais pourquoi sengager dans cette voie? Pourquoi vouloir à tout prix fabriquer autre chose que les idéologies déjà en place? Autre chose. Ah! direz-vous, voilà lautre qui revient, le petit autre, le grand Autre, laltérité et tutti quanti. Eh bien non, vous vous trompez, pour une fois, ça nest pas exactement ça. Certes, lathéisme dont il sagit invoque une altérité, je ne le conteste pas. Mais ce nest pas celle qui nest plus là, cest celle qui nest pas encore là. Une altérité pourrait advenir, dit-il, par le moyen dune position de sujet, cest-à-dire dune politique. Car de même que toute religion est politique, tout athéisme est politique. Pour fabriquer quelque chose à partir de linconsistant, de linconvenant, de lhétérogène, de lillogique, lêtre humain dispose dun instrument qui lui a été donné par on ne sait qui, peut-être par dieu, après tout, qui sait? Cet instrument, cest le langage. Mais le langage lui-même na ni autonomie ni cohérence, il est dépendant du désir. Ou, pour dire les choses autrement : le désir se cache derrière deux voiles qui sont le langage et le symbole. Si lon reconnaît que ces deux voiles ne sont déterminés par aucune cohésion originaire, alors ils sont des instruments de liberté. Pour fabriquer du monde à partir de linconsistance, il faut savoir faire un bon usage du symbole. Mais pour cela, il ne faut jamais oublier que l'athée est toujours en exil. Sil pense avoir trouvé son terrain datterrissage, son terrain délection, il risque fort de chuter dans le mauvais usage du symbole. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Gil ProAtheisme YT.LOO U.NK.UAD Rang = RGenre = Pmasc - |
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