Dans l'imagerie courante, Dieu a la figure d'un homme : barbu, tout-puissant, implacable, jaloux, sévère et juste. C'est à cet homme que Jacques Derrida, enfant, s'adressait. Ce Dieu juif - quoique christianisé - était un grand-père autoritaire et surmoïque. Il l'élisait, il le choisissait masculin et s'adressait à lui par la prière en tentant de le convaincre de son innocence. Mais il y a dans la tradition juive une autre manifestation de la présence divine : la schekhina (ou chekhina). Elle remplit l'espace [avant même la représentation]. Cette présence a les traits d'un visage féminin. Elle n'est ni séparée ni transcendante. On peut la tutoyer, s'adresser à elle sans rhétorique.

La différence sexuelle joue entre ces deux figures. C'est une question de lecture, d'interprétation : on peut raconter la présence divine comme masculine ou féminine. On peut lui parler comme l'une ou comme l'autre. Elle se gardent mutuellement.