Derrida
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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Basculements dans l'art                     Basculements dans l'art
Sources (*) : Croire en la beauté               Croire en la beauté
Calixthe Daggoua - "Répliques et réplications", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 18 janvier 2005

 

Tempete (A. Oeh len, 2004) -

En peignant l'horreur à la place de la beauté, l'art contemporain restaure l'imitation académique

   
   
   
                 
                       

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Cet art reprend la logique des images télévisuelles publicitaires ou médiatiques, mais poussée à l'extrême ou inversée. Les corps sont obligatoirement nus (Albert Oehlen), boueux (Otto Mühl) ou maculés (Lebel), les visages sont masqués, déformés (Albert Oehlen), peints, recouverts (Gunter Brus) ou flétris. Les sexes sont montrés agressivement (Vallie Export, l'ours de Paul McCarthy). Les voitures sont écrabouillées (John Chamberlain). La pornographie, elle, n'a pas besoin d'être travestie : elle peut être présentée telle quelle (Gerhard Rhüm), elle fait d'emblée partie de l'art contemporain. La peinture est soumise à des contraintes analogues : montrer le désordre (Kristin Calabrese), la chute (Ouattara Watts), l'inversion (l'éléphant couché de Zvika Kantor).

Cet art renonce à l'invention formelle. Il pratique un hyper-réalisme basé sur l'axiome : "la vérité du monde réside dans la réversion ou la putréfaction de toutes les valeurs".

La prévalence de la photographie sur la peinture relève de la même logique. Montrer sans les modifier des aires de parking (Ed Ruscha) ou une chambre en désordre (Sophie Calle) démontre quoi? Que le monde est réduit à ça (des aires de parking, une chambre en désordre) - presque rien. Quand les photos sont détournées par dérision (l'humour est plutôt rare), ironie ou condamnation morale (le plus fréquent), il est sous-entendu que ce détournement est plus réel que le réel, plus authentique que la photographie d'origine. La banalité est érigée en dogme.

 

 

Visite de l'exposition sur la Collection Falckenberg à la Maison Rouge, le 18 janvier 2005.

Il y a dans cette expo une assez incroyable fuite devant la beauté, comme si le principal enjeu de la collection d'art était d'en prendre l'exact contre-pied. C'est la restauration de l'imitation, de la ressemblance classiques. Le monde étant laid, l'art doit absolument lui aussi être laid, puisqu'il est le reflet de cette laideur. Ce basculement ne date pas d'hier, il a commencé en 1866 avec le tableau de Courbet, l'Origine du Monde.

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Cette unanimité dans l'horreur est un nouvel académisme. Il est nouveau dans le sens chronologique, mais pas dans son fond, car dans son fond il est exactement identique à l'académisme du 19ème siècle. Comme ce dernier, il remplit les musées et attire les collectionneurs, et comme ce dernier, il enferme l'art dans les bornes étroites de la bienséance contemporaine (le confort médiatisé du droitdel'hommisme).

Pour ceux qui aujourd'hui se présentent comme artistes, la peinture est trop risquée. Elle oblige à se confronter sans appuis à la question de la forme. De nombreux jeunes ont peur de cette radicalité-là. Ils préfèrent une dénonciation politique et sociale qui est plus rassurante car elle est ancrée dans le mode de pensée médiatique dominant.

 


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