Courbet aurait accepté de peindre ce tableau pour l'ambassadeur ottoman Khalil Bey par jalousie à l'égard de Manet, dont l'Olympia (1863) avait fait scandale. L'esprit des deux tableaux est à peu près le même, même si Courbet est plus radical (il pousse la logique à son extrême), et n'utilise pas exactement les mêmes moyens. Manet préfère ridiculiser l'académisme là où Courbet l'inverse carrément. Ni l'un ni l'autre ne pouvait deviner que cela conduirait, au bout de plus d'un siècle, à restaurer une nouvelle forme d'académisme dont l'Origine du Monde est à juste titre le symbole et l'emblème : le culte de la laideur.

Il suffit de se promener dans n'importe quel musée d'art contemporain du début du XXIème siècle pour trouver l'horreur à la place de la beauté. Ce qui est tenu pour la vérité du monde est le plus détestable (les déchets du corps, l'exclusion sociale). L'univers serait-il réduit à une vaste vulve dans laquelle nous serions irrésistiblement attirés? Ce n'est qu'une image, une représentation de ce qui est considéré comme le fond des choses. Simple changement d'objet : la belle femme n'attire plus, son image a été gâchée par un excès d'exposition et de publicité. On ne la montre plus, on montre ce qui fait office de vérité du monde : l'envers de son visage.

Nous montrons ici le négatif du tableau, mais on trouvera là son positif.