Husserl fait l'hypothèse d'un discours solitaire qui serait pure expressivité. En laissant de côté la communication et l'indication, la structure du discours n'est décrite que comme idéalité. Seule une temporalité déterminée à partir du présent vivant, du maintenant comme point-source, peut assurer la répétition du même à l'infini. L'intuition comme source de sens et d'évidence est l'"a priori des a priori", la certitude idéale et absolue.

Mais cette idéalité n'existe pas dans le monde. Elle est constituée par les actes de répétition (ou d'itération). Quand je me sers de mots dans le langage, ce ne sont pas des mots uniques, empiriques. Ils opèrent dans une structure de répétition. Un signifiant doit être reconnaissable dans sa forme, et un signe ne peut pas être purement idiomatique : quelles que soient les déformations qui l'affectent, il n'a pas lieu qu'une fois, il doit rester le même, dans une identité formelle qui permet de le rééditer. On ne peut pas entamer un discours sans être engagé dans cette structure. Et alors on doit admettre que le présent qui est, est aussi en mon absence. Son être existait avant ma naissance et existera après ma mort.

Cette structure "originellement répétitive" du signe [ou de la trace] a des conséquences redoutables pour la phénoménologie (p63), car elle rend illégitimes des distinctions essentielles pour Husserl : entre un langage extérieur et un langage intérieur, entre l'indication et l'expression.