Etre cartésien, c'est vouloir dire le doute hyperbolique. Dans le Cogito, deux mouvements se rejoignent : celui qui s'écrit dans une économie (la raison), et celui qui révoque toute certitude, toute assise (la folie). Dans le même temps, la pensée s'effraie et se rassure, elle se reprend et se laisse surprendre par la folie et la mort, elle garde en elle la trace d'une violence et la règle par le discours. Les deux dimensions (le vouloir-dire et le doute), ne s'opposent pas, elles ne sont pas non plus complémentaires. Aucune subjectivité ne peut venir réguler ce mouvement, dont la structure est celle de la différance.

Si la philosophie renonçait à ce dédoublement, elle se trahirait. L'avouer, c'est reconnaître la crise en laquelle elle se déploie. Citation de Derrida : "Cette crise en laquelle la raison est plus folle que la folie - car elle est non-sens et oubli - et où la folie est plus rationnelle que la raison car elle est plus proche de la source vive (...) du sens, cette crise a toujours déjà commencé et elle est interminable". Être cartésien aujourd'hui, c'est traverser cette tension.