La circoncision d'Abraham, première alliance, intervient entre deux changements de nom. Abram devient Abraham (un "hei" en plus), et Saraï devient Sarah (un "yod" en moins). Tout se passe comme si le changement de nom de Saraï dépendait de la circoncision.

En hébreu, "milah" s'écrit avec quatre lettres : mem-yod-lamed-hei. On y trouve le hei gagné par Abraham, et aussi le yod perdu par Saraï. C'est le moment où la coupure instaure une distance (le face-à-face). Le langage qui émerge n'est plus figé dans des identités. Jusqu'alors, Abram n'avait aucune oreille pour l'autre. Il ne disait pas "Nous sommes sans enfant", mais "Je suis sans enfant".

La racine mem-lamed est commune aux deux mots, mais ils n'ont pas la même orthographe. Il y a eu dédoublement de la racine :

- malal (mem-lamed-lamed) a donné mot,

- mul (mem-vav-lamed) a donné couper. Le vav sert à prononcer "ou". La circoncision, brith mila, est l'alliance de la coupure.

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En hébreu, pour sceller une alliance, on dit "koreth berith", couper une alliance. La coupure scande la différence qui permet de s'ouvrir dans le rapport à l'autre. Ce n'est pas la fusion qui s'exprime dans l'alliance, mais le mouvement.

Jacques Derrida illustre à sa façon ce double sens en comparant la circoncision à une signature - et aussi à propos de la blessure-lecture de Paul Celan.