De quelle vérité du monde Jacques Derrida parle-t-il? Un monde sans je, sans moi, un monde détruit du fait de mon absence, après ma mort, un monde qui ne sera plus tendu par mon désir mais par une lumière intense, celle que j'expérimente ici et maintenant à l'idée d'une survie par le biais de l'écriture, une survie qui n'est pas ma survie mais celle de mes écrits, c'est-à-dire de mon absence, une survie qui ressemble fort à la survivance [quasi végétative] de sa mère (Esther) qui déjà ne le reconnaît plus. Par mes écrits, je serai (pour le lecteur) toujours absent, et c'est cette absence qui me fait jouir (aujourd'hui, à la date où ce texte a été écrit, un peu après le 23 février 1990).

-------

La vérité du monde n'est pas une vérité subjective. Au contraire, elle est conditionnée par la forclusion du sujet, qui n'est ni sa disparition ni sa destruction, impossibles (car il ne sera plus là pour y prendre part). S'il n'y a personne pour jouir de la vérité, comment peut-il y avoir vérité? Derrida propose une réponse : j'en jouis maintenant, avant ma disparition, dans la promesse d'une vérité à-venir (celle de ma mort).