Il faut refaire à l'homme son anatomie (dit Artaud) parce qu'il est mal construit. En quoi consiste cette opération qui implique de le passer sur la table d'autopsie (comme si l'homme devait mourir avant même de subir cette opération)? Lui gratter dieu, c'est-à-dire éliminer dieu, et avec dieu ses organes, c'est-à-dire les différences qui proviennent du langage. Le mettre à nu, c'est faire en sorte qu'il devienne pure continuité, que rien ne se distingue, ni le sexe ni rien d'autre. L'homme se délivrera ainsi de tous ses automatismes et sera rendu à sa véritable liberté. Qu'est-ce que cette liberté? Celle de danser à l'envers, un envers qui sera le véritable endroit.

Artaud donne plus de précisions dans Le Théatre de la cruauté. Le sexe et l'anus seront à trancher et à liquider (OC13 p111), car les organes deviendront le haut des cuisses, des hanches, des lombes, le ventre total et sans sexe, le nombril. Dans d'épouvantables rites corporels, ils seront utilisés dans le délire d'un érotisme sans frein. La danse des corps obcènes sera détruite pour être remplacée par la danse de nos corps débarrassés de nos organes (p112). Ensuite, la langue elle-même sera coupée, le corps sera réduit à son essence vibratoire.

Le corps sans organe d'Artaud implique la destruction de tout ce qui nous constitue : le langage, notre littérature, notre pensée et notre culture.

Le corps est une chair malade et introuvable, perdue, intégralement à refaire. L'organe ne cesse d'accroître la déperdition. Il faut refaire le corps en lui fabriquant une constitution inorganique, sans coeur, sans sexe. L'oeuvre d'Artaud est lui-même, son corps. Le texte n'en est que les déchets. Le processus même de l'expression est inadéquat (p116). Le texte est une perte, un organe qui se détache du corps et tombe sous une loi étrangère.