Entre ceux pour lesquels la voix est présence, conscience, identité à soi, c'est-à-dire du côté du même, et ceux qui affirment au contraire que toute voix est d'autrui (même la sienne propre) et porte la plus radicale altérité, il y a une véritable polarité. Mais s'agit-il de la même voix? Peut-on mettre sur le même plan la voix intime et passionnelle de Jean-Jacques Rousseau et celle qui, selon le prophète Isaïe, criait dans le désert? La voix de tête et la voix de gorge?
La voix, même auto-érotique, s'entend comme celle d'un autre. Dès le départ, elle est altérée. Quelque chose travaille en elle. Il y a toujours une autre voix dans la voix, une autre scène vers laquelle on se penche. C'est là qu'on abandonne la voix. Elle y résonne, mais c'est dans un vide qu'elle s'abîme. Cet autre auquel nous nous adressons, écoute-t-il vraiment?
La voix provient du langage. Elle transcende, elle enseigne, elle commande, elle change l'ordre du monde. S'il y a un Dieu, elle en est l'essence active. Si nous prions, elle nous permet de franchir l'abîme qui nous sépare de l'autre lieu.
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