L'Internet a été comparé à l'émergence de l'écriture. Avec le passage de l'oral à l'écrit, il y a 25 siècles, la théologie avait connu une expansion sans précédent. Des sociétés dispersées ou matriarcales étaient devenues patriarcales et hiérarchisées. La révolution que nous vivons aujourd'hui pousse dans le sens inverse : elle dénie à l'écriture toute figure identifiable de l'origine ou de la paternité. L'écrivain d'aujourd'hui est orphelin. L'avenir, dépouillé de toute autorité, est devenu imprévisible.
Avec l'Internet, l'écrit est à la fois infiniment disponible - comme si tout texte pouvait être, à tout instant, présent à tous - et au-delà de tout contrôle, de toute maîtrise - c'est-à-dire radicalement indisponible. C'est la fin d'une certaine organisation linéaire. On ne pourra plus réparer le livre. Le monde de l'écrit se transmue en un labyrinthe aussi indéchiffrable que l'écriture linéaire A que les anciens crétois nous ont laissée.
Il n'y a pas que l'écrit qui soit affecté : un degré supplémentaire de différenciation affecte le langage.
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