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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Le spectral de Derrida | Le spectral de Derrida | ||||||||||||||||
Sources (*) : | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 29 juillet 2005 | [Derrida, spectralité, hantise] |
Autres renvois : | |||||||||||||||
Conjuration, exorcisme, contestation |
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Survivance, spectralité |
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Derrida, l'esprit |
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1. Hantologie. Jacques Derrida affirme à diverses reprises la place centrale de la spectralité dans sa pensée. Il invente même un mot, hantologie, pour la nommer. Qu'est-ce que l'hantologie? Ce n'est pas un mode de connaissance [car les spectres, on ne les connaît pas] mais une logique, plus ample, dit-il, que l'ontologie - et indissociable de la déconstruction. "Cette logique de la hantise ne serait pas seulement plus ample et plus puissante qu'une ontologie ou qu'une pensée de l'être (...). Elle abriterait en elle, mais comme des lieux circonscrits ou des effets particuliers, l'eschatologie et la téléologie mêmes. Elle les comprendrait, mais incompréhensiblement" (Spectres de Marx, p31). L'auto-affection, au coeur du présent vivant, est une structure universelle de l'expérience. En se touchant, s'entendant, se percevant ou se sentant lui-même, le vivant sent l'autre, il se sent comme autre. Ce mouvement d'auto-affection, qui est l'autre nom de la vie, est aussi hétéro-affection. Il faut accueillir l'autre et aussi s'en écarter, s'en séparer. Le mouvement exige le deuil de l'autre et entraîne aussi son retour, la spectralité. Deuil, spectralité ou sur-vie sont des catégories irréductibles.
2. Revenance : retour de l'autre. L'une des sources du spectral derridien est la hantise de Nicolas Abraham et Maria Török (ou leur fantôme). A partir des deux types d'incorporation dont ils font la description clinique, il distingue entre : - l'effet de spectre. Un fantasme, le fantasme même, est souverain, tout-puissant, inconditionnel, circulaire. Il y a en lui une dimension irrépressible, automatique, machinale, incontrôlable. Ce qui arrive de l'extérieur s'impose comme le même. Exemple : Penser la mort comme telle est un fantasme, car cela suppose la croyance selon laquelle la mort est pensable (ce que croyait Heidegger). Mais c'est impossible (on ne peut pas penser la mort comme telle). La logique insistante du fantasme est indissociable d'une autre dimension de la spectralité, irréductible au logos. - la revenance, où le fantôme ne revient pas depuis l'inconscient d'un sujet ni même d'une crypte dans son moi, mais depuis l'inconscient d'un autre. Dans les cas de transmission inconsciente d'un secret de famille qui ont particulièrement intéressé Abraham et Török, l'autre peut être oublié, inconnu. Le fantasme qui s'installe est menacé par cet autre incontrôlable. Dans le cas de Robinson Crusoé, mourir vivant est une tentative de maîtriser la peur d'être réduit ou dévoré par l'autre. Mais un autre mourir vivant excède ce fantasme : l'événement qui pourrait venir, revenir, survenir. En provenance des générations passées, de l'inconscient ou de la chose même, des spectres n'ont jamais cessé de s'annoncer, de s'infiltrer sous la représentation. Ils se manifestent dans l'image - dont la force de spectralité excède celle de la parole, dans la peinture (hantée par ce qui fait retour en elle, ce qui revient sans rien dire, comme les Souliers de Van Gogh), derrière la surface invisible de la scène représentative, ou encore dans ce qu'on désigne comme art et qui pourrait n'être qu'une intense familiarité avec l'originarité du spectre. Même le visage lévinassien n'est pas étranger à la revenance. A travers ces phénomènes et d'autres, des semences de vérité s'insinuent, des suppléments se déploient. Toute écriture oublie la mémoire vivante. Elle s'abandonne à ce non-savoir, sans valeur propre, qu'est la logique spectrale.
3. Extension contemporaine de la spectralité. L'hantologie apparaît comme telle à l'époque des médias. Là réside la nouveauté de notre temps : celui où, grâce aux télé-technologies, nous pouvons nous identifier à des morts présentés comme vivants, des absents figurés comme présents, des lointains apparaissant comme des proches. Il s'agit pour Derrida d'une expérience de croyance nouvelle, sans précédent, inventée autour de 1900. Avec la photographie puis le cinéma, voici qu'on peut croire en une figure hésitant entre le visible et l'invisible, une figure qu'on ne voit pas mais qu'on pense voir. Le dessin procure depuis toujours ce type d'expérience, mais les moyens modernes, techniques ou médiatiques, le démultiplient. On n'appelle plus les spectres; ils viennent à nous en se présentant comme vivants. La logique spectrale envahit tout. Nous incorporons ces images spectralisées, virtualisées, qui ne sont pas dépourvues d'enjeux politiques. Nous les narcissisons, nous les introjectons, nous les introduisons dans un mouvement phallique où leur présence ne se distingue plus de leur fétiche. Dans ce nouvel espace public, où se croisent le "travail du deuil" et la tekhnè de l'image, l'information est performative. L'opinion publique est produite comme artefact, cinématographie spectrale. Les spectres fondateurs, sans cesse relancés, se transforment en guerres des religions. Karl Marx opposait le spectre (qu'il situait du côté de l'illusion, de l'irréel) au travail vivant - qui pour lui était authentique, proprement humain. Jacques Derrida ne croit pas en cette opposition. Ou plutôt il interprète le "propre de l'homme" comme un fantôme à penser avec le capital, lui-même chose spectrale. ------- QUE FAIRE ALORS DES SPECTRES ? Leur rendre justice en inscrivant la possibilité de renvoi à l'autre, à l'hétérogène; prendre appui sur le triple anagramme, spectre, sceptre, respect :
4. S'expliquer avec eux : le sceptre. Un spectre nous regarde. Sans pouvoir croiser son regard, nous nous sentons vus, surveillés. Derrida nomme effet de visière cette dissymétrie radicale. Cet autre immaîtrisable, innommable, anachronique et secret, dissimulé par une armure, qui délivre l'injonction, est une figure de la loi. Ni vivant, ni mort, ni présent, ni absent, il a sur nous, sans réciprocité, un droit de regard absolu : le droit de regard même. Bien que nous ne puissions pas l'identifier avec certitude, nous sommes livrés à sa voix. Sa loi devient la loi pour nous. Elle nous concerne et nous excède à l'infini, universellement. Elle détermine la forme même de ce dont nous héritons. Un spectre produit un effet d'archive. Il revient vers nous, nous interpelle. Comme les langues, il nous arrive du passé. On le consulte, on l'interroge. C'est une expérience de la langue. Tout mot est un spectre dont l'origine a été oubliée, mais semble revenir. La distinction entre spectre et revenant revient alors sous un autre angle : alors que le spectre se situe du côté de l'image, du fantasme, alors qu'il est visible sur un horizon, le revenant n'a pas d'horizon. Son altérité est irréductible, sans possibilité de domination par le regard.
5. Les respecter : héritage. Le spectre est quelqu'un, un autre, une figure, mais jamais une personne. Il pourrait éventuellement abaisser sa visière - mais même s'il le faisait, je ne pourrais pas le voir. Je suis aveugle, il est avant moi, je lui dois respect et obéissance comme à un père. Sa loi produit une dette qui me précède, dont je ne peux pas m'acquitter. Quoiqu'invisibles, les spectres peuvent s'incarner dans des images. Quoiqu'inaudibles, ils hantent la scène, ils prennent corps dans les voix auxquelles je suis livré : celles des générations qui m'ont précédé, des innombrables figures du passé et de l'avenir dont je ne peux pas rejeter l'autorité, mais auxquelles je peux résister, dire non. Etranges corps, étranges voix, à la fois singulières et multiples, spirituelles et charnelles, qui induisent une attente, une promesse, qui ne répondent jamais mais font loi. Nous ne sommes jamais les héritiers d'un seul spectre, il y en a toujours plus d'un. C'est une horde, une foule qui ne peut pas se rassembler. Bien qu'ils ne soient ni vivants ni morts, nous n'arrêtons jamais de nous entretenir avec eux. Nous tentons, par identification, de nous les approprier - mais cette tentative ne peut qu'échouer. L'identification nous fait marcher jusqu'à ce qu'elle craque : l'autre a disparu, il n'en reste qu'une ruine, une image. Hospitalité et exclusion vont de pair. Respecter les spectres, c'est apprendre à vivre, c'est respecter la loi de l'autre. Il faut se désidentifier, faire craquer les formes et les vêtements, leur laisser une place vide - celle où s'inscriront les noms à venir (amitié, démocratie, oeuvre). Telle est (au-delà du deuil) la tâche derridienne - une tâche messianique, celle de celui qui adresse son salut au tout autre.
6. Les conjurer : exorcisme. La fascination qu'exerce le spectre - et aussi sa puissance - tient à ce qu'il est présent, plus présent que la voix, et en même temps, entre la vie et la mort, il n'est que la trace d'une absence. D'un côté, sa parole est inquiétante, dangereuse comme tous les fantômes (ou comme chaque homme), il faut s'en éloigner. Mais d'un autre côté, elle attire, elle oblige, elle rassure. Comme tout pharmakon, il est en même temps la menace et ce qui nous protège de la menace. Une voix qui arrête l'inarrêtable doit se trouver des deux côtés. Porteuse de différance, elle disjointe, elle déstabilise, et en même temps elle opère comme bord, limite, cadre, parergon. Présente dans la bouche de l'homme vivant, elle provient du mort. Moi qui suis ce vivant, je peux espérer la maîtriser, mais je n'ignore pas que c'est le spectre qui parle à travers ma bouche. Comment s'en débarrasser? Nous sommes tentés de les exorciser, les conjurer, les chasser, les arraisonner par la parole ou par la voix, voire tenter d'en faire le deuil. On pourchasse ce qu'on repousse, on appelle ce qu'on exorcise, hospitalité et exclusion vont de pair. Tous les moyens sont bons, et les télé-techno-sciences d'aujourd'hui sont particulièrement efficaces : en prétendant donner à voir la chose même, elles ne font revenir que des spectres.
7. Se laisser aller, comme Hamlet, dans le désajointement du temps. L'Europe, dit Derrida, à travers ses grands auteurs, est hantée par un spectre, toujours attendu et toujours intempestif. C'est le spectre de la révolution chez Marx, c'est l'esprit du père de Hamlet dans Shakespeare. Il met en question, désarticule, désorganise non seulement l'époque, mais aussi le temps lui-même : "The time is out of joint". Les grandes oeuvres européennes, de Leibniz à Valéry, renvoient aux voix multiples de ce spectre, à cette Chose qui résiste, insaisissable. Chaque fois, c'est un événement unique. Voici le spectre qui apparaît! Qu'en faire? Comment y oeuvrer? Pour résister à l'autre spectre de l'Europe, le mal radical, il faut laisser faire cette désorganisation. Que nous soyons, d'avance, dans cette tradition européenne, hantés par la spectralité - c'est ce qui ouvre la possibilité de la greffe. Il y a de la répétition, de l'itération, mais la loi de cette itération n'est pas la reproduction à l'identique. On ne peut jamais exclure l'anormal, le parasitaire on le non-sérieux, on ne peut jamais écarter ce qui vient brouiller ou hanter la simplicité des oppositions. La thématique du fantôme dépasse l'humain, elle se confond avec la trace même. Les spectres sont instables, désaccordés, imprévisibles, porteurs d'héritages divergents avec lesquels il faut s'expliquer. Mais comment s'expliquer avec des figures tremblantes, qui profèrent des mots incompréhensibles et ne montrent l'ombre des acteurs ou des décors disparus qu'à travers les tressaillements d'anciennes images? Une logique téléiopoétique, quasi-messianique, hante tous les énoncés. Il suffit qu'un événement soit possible pour que déjà, peut-être, il soit arrivé. Il faut, pour s'adresser aux spectres, trouver d'autres noms, de vrais et justes noms qui les laissent revenir. Il faut les apostropher dans la singularité d'un lieu de parole (par exemple Jérusalem, pour ceux qui tiennent ce nom pour le lieu irremplaçable de l'élection), dans l'unicité d'une filiation. Mais la voix qui les appelle restera, elle-même, spectrale.
8. POST-SCRIPTUM : L'événement un peu particulier qui s'est produit dans les rapports du scripteur avec Jacques Derrida, c'est qu'au moment précis où il a entrepris (le scripteur) d'introduire dans ce site l'oeuvre dudit Jacques, c'est-à-dire en octobre 2004, eh bien à ce moment précis, ledit Jacques, il a trépassé, de sorte que cet axe-là s'est enroulé autour d'un spectre. Comment interpréter cela? Il ne m'a rien dit. Il ne fait rien pour résister à l'outrage et ne menace pas non plus de revenir porteur d'une terrifiante visière. A chaque fois que je tombe, je crois m'écraser sur lui, mais il se dérobe. Alors je continue. Il faut bien que je coexiste avec lui (et sans lui).
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-------------- Propositions -------------- -Deuil, spectralité ou sur-vie sont des catégories irréductibles, car il n'est pas d'auto-affection sans accueillir l'autre en soi - ce qui engage le politique en son essence -Les mots sont des spectres : avec eux revient l'origine, et aussi la perte inéluctable de l'origine -Toute image porte la ruine originaire -S'il faut conjurer le spectre, c'est parce qu'il est une voix porteuse de différance -Là où s'oublie la mémoire vivante, abritée dans une crypte, l'écriture abandonne son fantôme à la logique -Chaque fois qu'un spectre est présent, c'est l'événement même, tout autre -La thématique du fantôme ou plutôt du revenant n'est pas loin de se confondre avec celle de la trace même -Le spectre est aussi puissant et plus efficace qu'une présence vivante -On ne peut s'adresser au spectre qu'en le nommant, par la voix, dans la singularité d'un lieu de parole ou d'un lien de filiation -Nous sommes livrés aux voix des spectres dont nous héritons -Une conjuration est un appel pour faire venir par la voix un spectre afin de l'exorciser -Le spectre est l'apparition charnelle de l'esprit, son corps phénoménal, sa vie déchue -L'hantologie est une catégorie irréductible qui, à l'époque des médias, rend possible une prise de position politique -Un chef d'oeuvre est en mouvement, à la manière d'un fantôme : il est hanté par une Chose qui résiste, insaisissable, à la mémoire et à la traduction qu'il appelle -Il y a trois choses dans le spectre : l'identification des restes (deuil), la nomination des générations (voix), la puissance de transformation (travail) -"The time is out of joint" : par l'effet de la chose spectrale, le temps est désarticulé; "I was born to set it right!" : il faut que je le remette droit -A travers la rencontre des spectres, une semence de vérité indestructible, irréductible, revient par morceaux -Effet d'archive : l'objet d'étude devient le sujet spectral, le destinataire ou l'interlocuteur virtuel de l'historien -Le spectral dans Derrida renvoie à ce qui revient et le messianique à ce qui advient -L'image a une force de spectralité anamnésique qui excède infiniment ce que pourrait dire une parole, un discours - ou même un métalangage -Le spectre dispose du droit de regard absolu, il est le droit de regard même -Le spectre, c'est du visible, même s'il n'est pas présent en chair et en os, tandis que le revenant n'apparaît pas à la vue -Le spectre, fantôme ou fantasme, est visible sur un horizon, on peut le voir venir, tandis que le revenant n'a pas d'horizon : il arrive comme la mort -Le spectre, c'est quelqu'un ou quelque chose qu'on "pense" voir : il hésite de façon indécidable entre le visible et l'invisible -On ne sait pas ce qu'est un spectre : une chose innommable, immaîtrisable, anachronique et secrète, un autre qui délivre l'injonction, fait la loi et nous regarde sans être vu -La logique spectrale envahit tout, partout où se croisent le travail du deuil et la tekhnè de l'image -Rien ne précède le marché, car la valeur d'échange s'est toujours déjà annoncée, au moins sous forme de hantise, dans la valeur d'usage -Les télétechnologies divisent le présent-vivant, qui ne survit qu'en tant qu'image ou archive spectralisée -La quatrième surface de la scène représentative est un miroir-écran brisé, avec et sans tain, qui ne laisse passer le fantôme des figures qu'après permutation et transformation -Penser la mort comme telle est un fantasme, une fantasmagorie; nos pensées de notre mort, de la nostalgie à la mélancolie, sont toujours des pensées de survie -Pour échapper au terrible fantasme "mourir vivant", il faut un autre fantasme, le fantasme même : une souveraineté toute-puissante, inconditionnelle, circulaire -Il est urgent de penser une logique du fantasme qui résiste au logos, quelque chose comme un fantasme de l'événement, un "mourir vivant" qui l'excède et vient après lui -Le spectral, ce sont ces autres, jamais présents comme tels, ni vivants ni morts, avec lesquels je m'entretiens -Il faut rigoureusement distinguer (1) l'étranger incorporé dans la crypte du moi (2) le fantôme qui vient hanter depuis l'inconscient d'un autre -[Derrida, l'identification] -"Apprendre à vivre", c'est respecter la loi de l'autre (promesse et fidélité) selon la triple anagramme : respect, spectre, sceptre -L'altérité pure et nue du visage lévinassien, dépouillée de toute visibilité, qualité, prédicat ou propriété effective, c'est une définition spectrale du tout autre -Il y a toujours plus d'un spectre -On n'hérite jamais sans s'expliquer avec plusieurs spectres -Pas plus que le parasite, la greffe n'est étrangère au corps sur lequel elle est entée; elle le hante d'avance -L'Hamlet européen regarde des millions de spectres -L'homme est le plus inquiétant de tous les fantômes -Le discours politique moderne produit l'opinion publique comme artefact, cinématographie spectrale, qui hante et déborde la représentation électorale -Tous ceux qui sont occupés par les spectres ne les accueillent que pour les chasser ou les conjurer : hospitalité et exclusion vont de pair -La modalité d'expérience de la trace survivante en général, ou du spectral, c'est la conjuration -Les discours sur l'amitié appartiennent à l'expérience de la perte, du deuil impossible - car réussir le deuil du frère ou de l'ami, cela pourrait faire revenir un père -L'archonte fait parler un spectre qui ne répondra plus, mais fait la loi -Loi de l'itérabilité : il est interdit et illégitime d'exclure ce qui vient brouiller, parasiter ou hanter la simplicité des oppositions alternatives -La figure de la loi est hétéronomique, dissymétrique : elle nous regarde comme un spectre à travers un effet de visière où nous nous sentons vus sans pouvoir croiser son regard -Une tâche derridienne : "Vis-à-vis du spectre, aller au-delà du travail de deuil" -Une logique téléiopoétique, quasi-messianique, hante tous les énoncés : il suffit qu'un événement soit possible pour que, peut-être, il soit déjà arrivé -Marx, comme un spectre, appelle d'avance l'imprévisibilité de sa propre transformation -La pensée déconstructrice de la trace se porte au-delà de l'opposition entre le travail vivant et le spectre -En déclarant le vrai nom, le juste nom, d'"amitié" ou de "démocratie", on affirme sa fidélité et son respect pour ce nom, même s'il n'en revient que des spectres -Le lieu de la spectralité est celui où on doit laisser une place vide en mémoire de l'espérance : la démocratie à-venir -L'absence du maître à philosopher est inévitable; par le retrait de son corps sublime, il hante la scène, la domine comme un fantôme -L'art n'est peut-être qu'une intense familiarité avec l'inéluctable originarité du spectre -La structure de la peinture est "restante" : ce qui y revient n'est ni une vérité, ni une présence dans la représentation, mais une marque -Les chaussures de Van Gogh sont hantées, elles sont la revenance même -Un fantôme objective le travail produit, dans l'inconscient, par les lacunes que laissent en nous les secrets des autres -Le phallique, dans sa différence, a une double valeur : sa pure et propre présence / son fantôme, son spectre, son fétiche -Le spectral est l'essence de la photographie -A partir du spectre, ni vivant ni mort, sur lequel repose de part en part l'expérience cinématographique, une pensée du cinéma est peut-être possible -On a inventé avec le cinéma, il y a un siècle, une expérience sans précédent de la croyance : la spectralité, qu'aucun art ne peut plus ignorer -La télé-techno-discursivité, qui détermine l'espacement de l'espace public, est irréductiblement spectrale -Pour comprendre le cinéma, il faut penser ensemble le fantôme et le capital, ce dernier étant lui-même une chose spectrale -Les guerres de religion d'aujourd'hui et leur diffusion audiovisuelle dans le cyberespace témoignent puissamment de la relance accélérée des spectres fondateurs -Une spiritualisation spectrale est à l'oeuvre dans toute tekhnè -Avec la télévision ou le cinéma, une image survit en disant "Je suis un spectre"; elle produit des effets de reproduction, de virtualisation, qui sont des enjeux politiques -La logique de la spectralité est inséparable du motif de la déconstruction -La déconstruction trouve, dans la logique spectrale, au coeur du présent vivant, son lieu le plus hospitalier -Entre le spectre et l'esprit passe la différance -Une hantologie (logique de la hantise) serait plus ample qu'une ontologie et abriterait en elle l'eschatologie et la téléologie mêmes -Pour rendre compte des effets de virtualité, simulacre et spectralité, il faut que la déconstruction inscrive la possibilité de renvoi à l'autre, hétérogénéité, différance -Dans l'Hamlet de Shakespeare comme dans le Manifeste du parti communiste de Marx, un spectre, qui marque l'existence même de l'Europe, la hante -On peut nommer "Jérusalem" le lieu irremplaçable de l'élection, mais on ignore de quel retour, revenance, annonce ou promesse c'est le lieu -"Spectres de Marx" - l'Etat de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale (Jacques Derrida, 1993) [SMX] |
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