Sous une forme ou sous une autre, le monothéisme s'est mondialisé. Le règne d'une loi d'échange monétaire, avec monovalence de la valeur, se comporte comme la transcription non religieuse de la monoculture monothéiste. Le sens unique est placé tantôt en dieu, tantôt en l'homme, tantôt dans la valeur elle-même. Les traits les plus athées, athéistes ou athéologiques de l'Occident ont une provenance strictement monothéiste : l'universel, le droit, l'individu, l'idée d'un dépassement par une transcendance infinie. Cette provenance n'est pas simplement un passé. Elle produit sans discontinuer ses effets propres.

L'Occident moderne ne s'est pas conquis contre le christianisme, mais en le prolongeant par des marques parfois méconnaissables : une certaine conception des droits de l'homme, un certain rapport entre politique et religion, la conception d'un monde toujours en attente de sa vérité, un monde dont le propre sens n'est pas donné, qui est en projet ou en promesse.

Mais sur cette survie, plane l'aile sombre du nihilisme.