La voix est le produit d'une coupure opérée par les lèvres. Quand nous parlons, nous coupons le flux continu, nous le remplaçons par l'émission discontinue propre au langage. Cet acte de séparation est aussi primordial que la naissance, il est la naissance. Ce hiatus touche tout : le corps, la subjectivité, le rapport à l'Autre, le monde, l'image.
Tout ce qui est vocal est frappé de duplicité. C'est un phénomène psychologique et aussi historique, sociologique, économique et scientifique. Les objets-voix se multiplient dans l'usage courant et dans les arts : chaque fois un événement.
L'humain ne cesse jamais et ne cessera jamais de vouloir réparer cette coupure : réassembler le corps parlant. La musique décompose la voix, le téléphone l'isole, la radio la sépare, le cinéma la dissocie et l'enferme dans un cadre, mais la recoud autant qu'il le peut. Il faut séparer pour rapprocher.
Tout oeuvre suppose que l'artiste se soit séparé d'elle, comme de sa voix. Par rapport à l'oeuvre, il est déjà mort. Il a rendu son dernier souffle. Elle est devenue un signe pour autrui, un texte, un objet inanimé. Si l'oeuvre fascine, c'est que malgré cela, elle bouge encore, elle est féconde.
Avec le cubisme, l'oeuvre semble se couper du discours, de toute conversation.
Certains rites, comme la circoncision (où le prépuce est la voix) célèbrent cette coupure.
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