La couleur n'a pas de place déterminée. Elle peut être fond ou forme, ligne ou tache, surface ou souffle informe. Elle peut être structurée comme un code ou un langage, ou inorganisée. Elle peut décorer, souligner un détail ou bien être l'essentiel du tableau, son coeur, sa voix. Elle peut être accessoire ou soutenir l'ordre ou la composition. Elle peut s'accorder avec d'autres couleurs en une harmonie, souligner l'unité, ou au contraire fragmenter, sans logique apparente. Cette absence de place est l'une de ses caractéristiques. Elle est une sensation qui échappe au discours, et même quand elle est porteuse d'un sens conventionnel, elle ne s'y réduit pas.
Par rapport au trait ou à la signification du tableau, la couleur est porteuse d'une transgression. La mimesis bute sur elle. N'étant réductible ni au dessin, ni au signe, elle peut troubler, séduire ou choquer. Ni sa matérialité, ni sa nature sensible ne sont éliminables. La séduction d'un peintre comme Cézanne, entre surfaces non peintes et rouge énigmatique, joue sur cette tension. Van Gogh l'a portée à l'extrême.
S'il ne peut pas y avoir de théorie générale de la couleur, c'est parce que chaque peintre ou artiste s'en sert d'une autre façon. Pour Adami, elle est phonème; pour Rothko, elle porte une force mystique. Elle peut aussi être sonore.
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