Ce que Derrida appelle grammatologie n'est pas une "science humaine" parmi d'autres car la question qu'elle pose, sa première question, c'est celle du nom de l'homme. La plupart des groupes humains se désignent eux-mêmes comme "homme", et les critères usuels (intelligence, parole, organisation de la société, etc.) pour le distinguer des autres vivants n'échappent pas à l'ethnocentrisme ou au logocentrisme. Si l'on pouvait établir l'unité d'un concept d'homme [ce qui reste à prouver], ce ne serait qu'à partir d'une histoire de la trace ou du gramme. La trace elle-même (qui est l'unité d'un double mouvement de protention et de rétention), ou le gramme, ou la différance, n'étant jamais présents, ils sont inaccessibles au savoir traditionnel. On ne peut les penser que comme concepts, irréductibles et imprenables - mais ils ont une histoire, qui est l'histoire de la vie.

Toute inscription génétique est un programme. Les programmes qui déterminent ce qu'on appelle l'espèce humaine sont originaux. Mais leur histoire, comme celle de tout autre vivant, est déterminée par les possibilités du gramme. On ne peut les définir que comme une étape, une structure particulière dans l'articulation de ces possibilités.