Certains ont défendu l'idée que l'Internet impliquait un nouveau contrat social, une gouvernance spécifique distincte de celle des Etats souverains. On peut en douter, car le droit endogène de l'Internet est étroitement intriqué au Droit exogène - c'est-à-dire à celui des Etats historiques; et son idéologie est celle des démocraties occidentales. L'être-en-commun du Réseau ne repose pas sur des principes partagés qui lui seraient spécifiques, mais sur des pratiques, qui sont imprévisibles à cause de sa volatilité. On n'y fera jamais l'économie de la conflictualité. S'il y a politique de l'Internet, c'est celle de la maîtrise impossible des désaccords et des conflits.
Pourtant la citoyenneté numérique, c'est-à-dire cet aspect du gouvernement civil où le citoyen exerce ses prérogatives par le biais des réseaux, pourrait favoriser une transformation du modèle politique. On passerait d'une stratification hiérarchique et verticale à des ajustements entre groupes d'intérêt diversifiés qui conduiraient à des redistributions du savoir et des biens. Sans cesser d'être assujettis au Droit, les citoyens pourraient développer des normes et régulations horizontales. L'Internet, sans se séparer de la société, produirait un nouveau paradigme.
Il est douteux que ce paradigme conduise à des structures politiques susceptibles de porter des enjeux stables, car les communautés de l'Internet ne sont souvent que des rassemblements éphémères et transitoires. Mais cela n'empêche pas de prendre au sérieux l'expression du local et du discret. Les communautés virtuelles apportent quelque chose d'absolument nouveau : une nouvelle façon d'être-ensemble en redéfinissant à tout moment ses finalités, en laissant aux différences et aux déviances leur place.
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