1. Une responsabilité pas ordinaire.
Faire une oeuvre, c'est répondre. C'est répondre à, la modalité du répondre la plus primordiale et la plus incontournable selon Derrida [comme je l'indique ici], mais c'est aussi répondre devant, répondre de, répondre pour. Toutes les modalités de la responsabilité y sont impliquées, y compris la responsabilité courante, quotidienne, "déterministe", sociale, celle qui se mesure aux conséquences de nos actes. Il peut y avoir dans l'oeuvre, selon le "vouloir-dire" de l'"auteur", compassion, charité ou attention à l'égard d'autrui, mais l'autre responsabilité, celle qui n'est pas liée à une décision éventuelle de son "auteur" ni à ses erreurs ou défaillances, ni non plus à la dénonciation de tel ou tel dysfonctionnement, ni encore à sa capacité ou non de prendre en charge un projet, la responsabilité d'un autre type, infinie, incalculable, indépendante des circonstances, qui n'est pas seulement inscrite dans l'oeuvre elle-même mais aussi dans les lectures passées, présentes ou à venir de cette oeuvre, les interprétations, les citations, les reprises, ou celle qui pourrait émerger dans la rencontre éventuelle, peut-être, de cette oeuvre avec une situation, des institutions ou un système de normes, cette responsabilité-là, elle aussi, ne cesse de travailler.
2. Répondre par l'oeuvre.
A la question : "Qu'est-ce qui soulève dans l'oeuvre une responsabilité?", on ne peut répondre sans la possibilité d'une expérience extrême, le sans-réponse.
cf [Derrida, responsabilité(s)] §2
3. Références littéraires.
Cette responsabilité infinie, on peut la travouer dans le Bartleby de Melville, ou dans des personnages bibliques comme Abraham ou Juda.
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