Cette phrase est une citation de Heidegger (in La Parole d'Anaximandre) par Derrida. La reprend-il à son compte? Ou bien au contraire, la questionne-t-il en la scindant en éléments distincts qui sont des membres, à ébranler chacun par une question? S'il n'avait pas eu l'intention de la démembrer, il n'aurait pas ajouté ces barres. Il y a donc des questions, qui portent sur ces termes : l'être, la parole, le "partout et toujours", le "à travers", la totalité, la langue. Affirmer la différance, c'est mettre en question l'espérance visée par Heidegger : le mot unique, le nom enfin propre. Mais pour la remplacer par quoi? Derrida introduit de façon apparemment anodine le mot alliance, qui ne se trouve pas dans Heidegger. La question posée est celle de l'alliance de la parole et de l'être. Elle ne se pose pas qu'à travers la différance : elle se pose partout, toujours, à travers toute langue, bien que ne s'inscrivant dans aucune.

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Dominique Janicaud donne dans son livre Heidegger en France (tome 1 p210) une analyse de ce passage. Dans le déchiffrement heideggerien du texte d'Anaximandre, Derrida met en doute que la différence doive se dire de l'être. L'être parle-t-il? Pour Derrida, il se trace, s'écrit, se dissémine. L'unité même de l'être est ébranlée, raturée - la phrase de Heidegger ne peut être reproduite que barrée, tailladée.