Notre société a produit quelque chose de radicalement nouveau : l'avant-garde. Celle-ci repose sur l'apparition d'une forme nouvelle de critique de la société, la critique historique, selon laquelle l'ordre social actuel n'est que l'étape la plus récente dans une succession d'ordres sociaux. Certains pionniers ont pu rompre avec les normes dominantes de la société. Ils ont essayé de continuer à faire évoluer la culture, en se détachant des idéologies. Ainsi est né "l'art pour l'art" : élever l'art à l'expression d'un absolu où toute contradiction serait soit résolue, soit sans objet. Comment créer une oeuvre libre de toute signification, de toute ressemblance, de tout modèle? En dissolvant complètement son contenu dans la forme. En la réduisant strictement à elle-même, c'est-à-dire aux moyens de sa pratique sur la base des valeurs esthétiques, érigées en absolu. Ce sont les moyens qui deviennent le sujet et l'art de la littérature; les artistes tirent leur inspiration du medium qu'ils utilisent. Ils inventent des espaces, des surfaces, des formes, des couleurs, etc... La culture d'avant-garde est l'imitation du processus même d'imitation. Elle se spécialise sur elle-même, en courant le risque de se détacher de l'élite dirigeante qui achète ses oeuvres (p15). Pour contrer ce risque, on assiste à un retour de l'académisme, de l'art commercial, et à l'extension du kitsch.

Après l'imitation de l'objet (mimesis) et l'imitation par l'artiste de la nature ou de l'acte divin, c'est une troisième forme d'imitation.