Il ne faut pas confondre la jouissance et le désir. La jouissance est liée au moi, au retour du même. C'est la volupté courante associée à la satisfaction des besoins. Mais le désir lévinassien n'est réductible à aucune économie. Métaphysique, désintéressé, gratuit, impossible à combler et satisfaire, il repose sur une générosité et une bonté inanticipables, antérieurs à toute question. On ne peut l'approcher que par la démesure, par une pensée qui pense plus qu'elle ne pense. Il aspire à l'infini, l'altérité, l'absolument autre. Son mouvement sans cesse relancé vise un futur jamais assez futur.
Celui qui désire ne cherche pas à combler un manque. Au contraire, pour aspirer au désir, il ne faut manquer de rien. L'être désirant n'est pas celui qui s'accomplit, mais celui qui dépasse l'être - dans une exigence qui rejoint celle de la conscience morale.
Le désir prend appui sur un corps vertical, qui vit dans l'autre. S'il est libre, s'il tend vers autre chose, c'est parce que la totalité a été rompue.
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