Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, le quasi - transcendantal                     Derrida, le quasi - transcendantal
Sources (*) : Derrida, la vision : pleurs et aveuglements               Derrida, la vision : pleurs et aveuglements
Jacques Derrida - "Mémoires d'aveugle, L'autoportrait et autres ruines", Ed : RMN, 1990, p46

 

Logiques du dessin (Larissa Dentyar, 2011) -

Derrida, le dessin

Il y a, à l'origine du dessin, deux logiques de l'aveuglement : transcendantale (sa condition de possibilité) et sacrificielle (son économie)

Derrida, le dessin
   
   
   
Il faut à l'oeuvre un sacrifice, un retrait Il faut à l'oeuvre un sacrifice, un retrait
Derrida, le sacrifice               Derrida, le sacrifice  
L'invisible dans le visible                     L'invisible dans le visible    

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Pour l'exposition que le Musée du Louvre lui a demandé d'organiser du 26 octobre 1990 au 21 janvier 1991, Jacques Derrida a choisi un thème : le tableau ou dessin d'aveugle. Dans chacun de ces dessins, quelque chose arrive aux yeux ou à la vue : un événement, un récit, un mythe. Chaque fois, les yeux sont aveuglés. Mais si Derrida a choisi cette thématique, c'est parce que le dessin d'aveugle, comme tel, n'est pas anecdotique. Il a partie liée avec l'invisible, et aussi avec le visible. Au-delà de la représentation, on peut lui attribuer une double valeur, transcendantale et/ou sacrificielle :

- transcendantale : pour Derrida, tout dessin d'aveugle montre, en plus de la représentation, la condition de possibilité du dessin. C'est comme si le dessin s'interrogeait, comme s'il spéculait sur sa propre possibilité. Comment est-il possible de dessiner? Avant de tracer un trait, il faut rompre avec le présent de la perception visuelle (p51), accepter de ne pas voir ce qu'on dessine, une certaine renonciation, un aveuglement. Même pour le voyant (le regard aigu du dessinateur), il faut ce retrait pour produire un excès, une sur-vue, un plus-de-vue, qui vient doubler la vision. Cette condition de possibilité ne se pose nulle part, elle n'est jamais thématique, elle compose avec l'invisible, toujours sous-jacente.

- sacrificielle : il faut sacrifier ce qui vient aux yeux, ce qui est représenté, ce qu'on voit, le mettre en mémoire (comme l'explique Baudelaire, cf p53), pour substituer une figure à une autre. Toute oeuvre fait le deuil de ce qu'elle est pour autre chose. La substitution peut être inconsciente, involontaire. Elle peut renvoyer au roman familial, à une scène de la vie quotidienne, à un ressentiment, une vengeance, une castration (yeux crevés ou brûlés); ou encore à une sublimation, une intériorisation, une révélation. Dans tous les cas le dessinateur doit d'abord abandonner ce qu'il voit (sacrifice) pour le remplacer par autre chose. Il doit représenter l'irreprésentable selon une logique économique, qui implique abandon, culpabilité et dette. On ne remplace pas un thème par un autre sans perte.

 

 

Entre le sacrificiel et la transcendantalité, la main du dessinateur hésite. Prendra-t-il appui sur un événement, sur ce qui arrive (violence sacrificielle appuyée sur le mythe, le fantasme, la ruse, la tromperie, le châtiment, le martyre, la blessure infligée, la catastrophe ou encore le récit apocalyptique), c'est-à-dire sur une histoire qui le fera entrer dans le cercle de l'échange, ou bien se décidera-t-il en fonction d'une lumière intelligible, naturelle ou surnaturelle, une figure, une espèce ou un type rappelés à la mémoire? Sa pensée hésite entre l'un et l'autre, elle peut osciller entre l'économique et l'idéel. "L'aveugle peut toujours devenir le voyant ou le visionnaire", écrit Derrida (Mémoires d'aveugle, p96).

--

Ces deux logiques ne sont pas indépendantes. Elles se croisent en l'oeuvre même et seulement en elle, et ce croisement de l'invisible avec l'économique, on pourrait faire l'hypothèse qu'il est le lieu de ce que Derrida nomme le quasi-transcendantal. La série de syntagmes "mise en oeuvre", "à l'oeuvre", etc., désignerait alors ce lieu, toujours en mouvement et inassignable.

 


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