Toute vision est conditionnée par des normes que la tradition occidentale de l'histoire de l'art isole sous le nom de perspective. Il y a la perspective illusionniste issue de la Renaissance et d'autres, venues d'ailleurs, d'avant ou d'après. Notre regard s'accoutume à les combiner, les juxtaposer, les diviser, les déplacer. L'idée que puissent se croiser dans la même oeuvre plusieurs formes symboliques, plusieurs régimes de vision, plusieurs profondeurs visuelles, n'étonne pas. Depuis l'abandon du positivisme en histoire de l'art, on n'imagine plus qu'ils puissent former un tout. Les régimes se chevauchent, s'opposent et se contredisent.
On peut opposer (selon le vocabulaire de Georges Didi-Huberman) la vision courante normée, voire tyrannique, au visuel dont les objets ouvrent au désir. Selon un autre vocabulaire, on peut distinguer la vision comme lieu du corps, inséparable des autres sens, de la visualité pure, qui peut se réduire à une optique. Depuis son émergence, la perspective artificielle coexiste dans les mêmes oeuvres avec d'autres formes de vision (exemple : la Trinité de Masaccio).
On ne voit pas seulement par ses propres yeux, mais aussi par ceux des autres, qu'ils soient visibles ou invisibles. On voit aussi à partir d'un lieu vide, géométral.
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